Les Druides et l'au-Delà
Pour le préchrétien, les dieux et les déesses étaient les qualités et les pouvoirs invisibles qui habitaient à la fois notre nature et la nature elle-même. En tant que tels, ils étaient connus comme les enfants (aspects) de la Déesse Mère – la Terre. Les Gaëls appellent ces êtres lumineux les Sidhe – le peuple des collines creuses, ou le peuple de la paix. Parce que l’œil Celtique est si rempli de la reconstitution historique et des détails de la nature, les Sidhe dans le mythe celtique ne descendent pas vers nous, comme les anges et les dieux de nombreuses autres cultures, des cieux d’en haut. Ils viennent de l’au-delà – une terre mêlée à ce monde. Nos psychés ont été formées par des crépuscules longs et lents, projetant des lumières tamisées et des ombres qui bougent à la lueur du feu. La nature a fait de nous un peuple visionnaire, dont la culture a été richement colorée par cet Autre Monde – ‘Tir na n-Og’ – le mundus imaginalis du Celte… Mais ce monde n’est pas imaginaire au sens de fictionnel. Pour le Celte, l’imagination est un bateau, dans lequel nos cœurs en quête peuvent naviguer du pays des soucis extérieurs, des préoccupations et de l’illusion vers les rivages de la Beauté. Le premier appel au voyage est l’appel de la Beauté… En fin de compte, nous découvrirons, avec une simplicité déchirante, que les plus hautes Beautés et la plus haute Vérité ne font qu’un.
Dans la légende, les Sidhe nous apparaissent à travers le voile vert d’une forêt, ou la lueur de la lune sur la vague. Leur émergence dans nos rêves et notre imagination sacrée perturbe notre moi complaisant et habituel avec une numinosité jusque-là inconnue. Ils se métamorphosent comme le paysage que nous habitons et l’une des leçons que nous en tirons est que notre expérience de la vie est éphémère. Ils nous laissent entendre qu’il y a quelque chose de plus durable que le plaisir du moment qui passe que nous poursuivons. Ils nous offrent une expérience de l’altérité… de la magie.
Les Sidhe nous apportent de merveilleux cadeaux de leur monde. La légende raconte qu’ils ont apporté l’art et la science à l’humanité. La porte de l’au-delà est dans l’esprit… à la fois notre esprit et l’esprit de la nature.
Lorsque nous entrons pour la première fois dans le monde du chercheur spirituel, nous traversons les frontières vers Tir na n-Og dans le sens où notre conscience commence à participer à son caractère – celui qui recherche la beauté des choses. Là, nous laissons derrière nous certaines des valeurs du monde mécanique, « banal ». Nous sommes entrés dans le monde des Sidhe. Nous percevons des merveilles, des miracles et avons des visions. Notre inspiration et notre créativité augmentent.
La plupart des artistes habitent ce plan de conscience lorsqu’ils créent. Leur quotidien, qu’ils en soient conscients ou non, est une relation permanente avec l’Autre Monde. C’est le royaume de la Muse qui nous enseigne de nouvelles façons plus profondes de percevoir la vie. Lorsque l’art est utilisé avec une intention spirituelle, il devient un puissant outil de transformation. C’est, après tout, la façon dont les Sidhe veulent que nous utilisions leurs dons – pour grandir et changer.
Tir na n-Og est la vie intérieure secrète et enchantée de la Nature. C’est la terre intuitive fréquentée par les artistes, les scientifiques inspirés, les magiciens, les voyants, les chamans et les chercheurs spirituels. Tous ceux qui travaillent dans ces domaines ont un certain degré d’interaction avec ce niveau de conscience. Dans la tradition celtique, parce que ce monde est connu et visité, les dons naturels sont souvent renforcés par le travail avec les Sidhe.
Beaucoup de gens y restent pour toujours, participant à la nature des dieux, tissant de beaux sorts sur le monde avec les rêves qu’ils rêvent. Mais pour certains, même cela ne suffit pas. Un désir de quelque chose au-delà de ce domaine trouble leurs cœurs. Pour eux, les dons des Sidhe sont comme l’arc-en-ciel, faisant allusion à quelque chose à jamais hors de portée, les attirant à jamais vers une beauté impossible. Les Sidhe nous offrent, disent les légendes, des festins sans rassasiement.
Qu’est-ce que cela nous dit sur leur rôle dans notre cheminement spirituel ? Il nous dit, comme les Druides l’ont laissé entendre, qu’il y a quelque chose au-delà du monde quotidien et du leur. Que peut-être le rôle des Sidhe est de nous amener à un point où nous ne pouvons plus être comblés uniquement par les aspects de la vie qu’ils représentent… Ils ont initié en nous une faim insupportable qu’aucune chose ou idée ne peut satisfaire. Ils ont fait souffrir nos cœurs pour une nouvelle compréhension qui peut nous rapprocher du cœur de la réalité. Alors qu’ils nous ont d’abord attirés du banal vers le magique, quelque chose d’autre nous appelle d’un nouvel horizon… Il est temps de partir.