Bien des gens peuvent se poser la question: outre ses enseignements spirituels et magiques, est-ce que le Druidisme propose des enseignements sociaux et éthiques ? La réponse est Oui. Les Druides tant durant l’Antiquité qu’actuellement prennent à cœur les questions les plus importantes de la philosophie morale et sociale. Ceci dit, le Druidisme enseigne l’éthique d’une manière douce et avec une ouverture d’esprit. Suivant la manière celtique traditionnelle, le Druide ne prononce pas des règles ou des commandements. Au contraire, il ou elle pose des questions, telles que : Que signifie d’être une personne bonne, ou de bien vivre sa vie ? Quelles sont les valeurs qui devraient guider nos relations, nos communautés, voire nos nations ? Que devons nous faire pour être responsables de nous-mêmes et de notre monde ? L’examen de questions de ce type a toujours été une activité distinctement druidique, même jadis dans l’Antiquité.
Certains auteurs romains et grecs qui avaient la possibilité d’observer les Druides, rapportaient leurs structures sociales, leurs valeurs, et leurs enseignement éthiques. D’après de telles notes, il ressort clairement que nos prédécesseurs assuraient de nombreuses fonctions sociale importantes auprès de leurs populations, et pas seulement les fonctions cérémoniales religieuses bien connues. Proéminent parmi ces fonctions était le rôle de philosophe et d’enseignant de la morale philosophique. Par exemple, voici les paroles de Strabon, historien romain :
Les bardes composaient et chantaient des odes, les Uatis (Ovates) assuraient les sacrifices et étudiaient la nature; alors que les Druides étudiaient la nature et la philosophie morale. Si grande est la confiance qu’a le peuple vis-à-vis de la justice des Druides qu’il en réfère à eux toutes les disputes privées comme publiques, et ces hommes, dans bien des occasions, ont rétabli la paix entre des armées déjà rangées pour la bataille. (Strabo, Geographica, IV.4.198)
D’après cette citation, il ressort clairement que les Druides étaient les philosophes de leur peuple, et qu’ils portaient un intérêt profond à l’étude et à l’enseignement des vertus éthiques. De même, Jules César rapportait ce qui suit dans son récit de la guerre des Gaules :
Les Druides officient lors de la vénération des dieux, règlent les sacrifices tant publics que privés, et se prononcent sur toutes les questions religieuses. Les jeunes hommes viennent à eux en grands nombres pour être éduqués, et ils sont tenus en grande honneur par le peuple. Ils officient en tant que juges dans pratiquement toutes les disputes, que ce soit entre tribus ou entre individus ; lorsqu’un crime quelconque est commis, ou un meurtre a lieu, ou une dispute développe concernant un héritage ou une limite, ce sont eux qui statuent sur l’affaire et fixent la compensation à payer ou à recevoir par les partis concernés (Jules César, La Conquête de la Gaule VI.13.1)
Il est donc clair que les Druides officiaient en tant que magistrats ou juges, à résoudre des conflits de toutes sortes parmi leur peuple. Ainsi, le Druides de l’Antiquité ne se contenaient pas d’étudier l’éthique de façon spéculative, mais aussi mettaient leurs études en pratique. Voici une remarque du commentateur Diogène Laërce, qui a décrit une partie du contenu réel des enseignements moraux des Druides :
Les Druides formulent leurs déclarations à l’aide d’énigmes et d’expressions obscures, enseignant que les dieux doivent être vénérés, et aucun mal commis, et un comportement masculin digne maintenu (Diogène Laërce, Vitae, I.5)
Par les termes “énigmes et expressions obscures”, on peut penser que cela signifiait que les Druides enseignaient leurs idées à l’aide d’un vocabulaire standard de proverbes, de symboles, de métaphores et tutti quanti, qu’ils auraient appris durant leur formation, et qui auraient pu paraître obscurs (i.e., opaques) pour des personnes de l’extérieur comme Diogène. La triade citée ensuite par Diogène suggère que les Druides appréciaient la piété, l’absence de malfaisance, et l’honneur parmi leurs enseignements éthiques. En outre, ces sources classiques attestent d’une croyance druidique en l’âme immortelle. Pomponius Mela a écrit ceci concernant les croyances des Druides celtes :
Un des leurs dogmes est devenu universellement connu, à savoir, que les âmes sont éternelles et qu’il existe une autre vie dans les régions infernales, et que ceci a été permis manifestement parce qu’il rend la multitude plus prête à la guerre. Et c’est pour cette raison qu’ils brûlent ou enterrent, avec leurs morts, des objets qui leur sont appropriés dans la vie. (Pomponius Mela, Factorum et dictorum libri, II.6.10)
Cette croyance à l’âme immortelle a également été observée par Jules César : “Une leçon qu’ils se donnent particulièrement du mal pour inculquer est que l’âme ne périt point, mais passe après la mort d’un corps à un autre…” (César, Conquête de la Gaule, V.16.5). Toutefois, il n’y a pas d’indication qui vienne à l’appuis de l’idée que les gens étaient punis ou récompensés dans l’au-delà en fonction de la façon dont ils se sont comportés durant leur vie mortelle. Au contraire, les auteurs classiques faisaient des comparaisons favorables par rapport à la croyance de Pythagore au “Métempsychose,” une forme de réincarnation. Il semblerait aussi, basé sur d’autres écrits de l’époque classique, que les Celtes croyaient que la prochaine vie ressemblerait sensiblement à celle-ci. En effet, Pomponius Mela a remarqué que “autrefois ils avaient coutume de remettre la clôture des affaires et le remboursement de dettes jusqu’à leur arrivée dans un autre monde !” (Mela, ibid.)
Certains des textes de sagesse irlandais sont très spécifiques quant aux enseignements des Druides. Il existe plusieurs “textes de sagesse,” ou récits d’enseignements éthiques des Druides. Parfois ces enseignements étaient livrés lors de la cérémonie d’intronisation d’un nouveau chef, afin d’apprendre au candidat comment bien s’acquitter de ses fonctions. Parfois les enseignements étaient destinés aux propres enfants ou petits enfants de l’enseignent, afin de leur apprendre comment devenir des adultes mûrs. En voici un exemple de ce dernier : Cormac mac Airt est interrogé par son petit-fils Carbre, “Quelles étaient tes habitudes quand tu était garçon ?” Cormac répond ce qui suit :
J’étais un auditeur dans les bois,
J’étais un contemplateur des étoiles,
J’étais aveugle s’agissant des secrets
J’étais silencieux dans une terre sauvage,
J’étais loquace en grande compagnie
J’étais doux dans le hall à hydromel
J’étais sévère en bataille,
J’étais prêt à monter la garde,
J’étais doux en amitié,
J’étais médecin auprès des malades,
J’étais faible auprès de ceux sans force
J’étais fort envers les puissants,
Je n’étais jamais dur pour éviter d’être satirisé,
Je n’étais jamais faible pour éviter d’avoir mes cheveux rasés,
Je n’étais pas intime pour éviter d’être un fardeau
Je n’étais pas arrogant bien que sage,
Je n’étais pas porté sur les promesses bien que fort,
Je n’étais pas audacieux, bien que rapide,
Je ne me moquais pas des vieux, bien que jeune,
Je n’étais pas vantard bien que bon lutteur,
Je ne parlais de personne en son absence,
Je ne reprochais pas, mais louais,
Je ne demandais pas, mais donnais,
Car c’est grâce à ces habitudes que les jeunes deviennent des guerriers vieux et royaux (Instructions de Cormac, § 7)
À noter qu’il y a ici une certaine insistance sur le respect et l’amabilité vis-à-vis d’autrui, et pourtant il n’y a aucune indication qu’une personne devrait être passivement obéissant à autrui. Il n’y a aucune suggestion non plus qu’il devrait sacrifier sa dignité pour l’intérêt d’autrui. De surcroît, il se peut qu’il y ait un mysticisme implicite dans ce texte, puisque les deux premiers vers suggèrent que Cormac, garçon, se contentait d’étudier les bois et les étoiles, et était “silencieux en terre sauvage”, comme s’il voulait apprendre des éléments mêmes comment vivre au mieux. En voici un autre exemple, tiré également des Instructions de Cormac. Cairbre demande à son grand-père Cormac comment il devrait se comporter “parmi les sages et les sots, parmi les amis et les inconnus, parmi les vieux et les jeunes, parmi les innocents et malfaisants” – ou, autrement dit, comment il devrait se comporter quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve. Cormac lui répond de la sorte :
Ne sois pas trop savant, ne soit pas trop sot,
ne sois pas trop prétentieux, ne soit pas trop réticent,
ne sois pas trio hautain, ne soit pas trop humble,
ne sois pas trop loquace, ne soit pas trop silencieux,
ne sois pas trop dur, ne soit pas trop faible.
Si tu es trop savant, on s’attendra (à trop) de ta part
Si tu es trop sot, on te trompera,
Si tu es trop hautain, on te prendra pour contrariant,
Si tu est trop humble, tu sera sans honneur,
Si tu es trop loquace, on ne fera pas attention à ce que tu dis,
Si tu es trop silencieux, tu ne sera pas respecté,
Si tu es trop dur, tu sera brisé,
Si tu es trop faible, tu sera écrasé (Instructions de Cormac, § 29)
Notez encore une fois que quelque-chose qui ressemble à un chemin ‘d’équilibre’ qui est conseillé ici. On invite Cairbre à agir de telle sorte qu’il ne soit ni trop dur ni trop mou avec chacune des qualités de son caractère.
Il faut noter que les anciens druides vivaient dans une société tribale guerrière, et certaines de leurs valeurs éthiques n’ont le plus de sens qu’au sein d’une telle société. Mais dans le meilleur esprit philosophique de leurs prédécesseurs, les druides contemporains font leur propre étude de l’éthique et des valeurs sociales. Ils s’appuient sur des sources anciennes telles que les textes grecs, romains et irlandais mentionnés ici, ainsi que sur diverses sources plus récentes, et bien sûr sur leurs propres intuitions intellectuelles et émotionnelles.