Éthique dans le Druidisme

« La mort du dogme est la naissance de la morale. » Emmanuel Kant

 

Bien des gens peuvent se poser la question: outre ses enseignements  spirituels et magiques, est-ce que le Druidisme propose des enseignements sociaux et éthiques ?  La réponse est Oui.  Les Druides tant durant l’Antiquité qu’actuellement prennent à cœur les questions les plus importantes de la philosophie morale et sociale. Ceci dit, le Druidisme enseigne l’éthique d’une manière douce et avec une ouverture d’esprit.  Suivant la manière celtique traditionnelle, le Druide ne prononce pas des règles ou des commandements.  Au contraire, il ou elle pose des questions, telles que : Que signifie d’être une personne bonne, ou de bien vivre sa vie ?  Quelles sont les valeurs qui devraient guider nos relations, nos communautés, voire nos nations ?  Que devons nous faire pour être responsables de nous-mêmes et de notre monde ?  L’examen de questions de ce type a toujours été une activité distinctement druidique, même jadis dans l’Antiquité.

Certains auteurs romains et grecs qui avaient la possibilité d’observer les Druides, rapportaient leurs structures sociales, leurs valeurs, et leurs enseignement éthiques.  D’après de telles notes, il ressort clairement que nos prédécesseurs assuraient de nombreuses fonctions sociale importantes auprès de leurs populations, et pas seulement les fonctions cérémoniales religieuses bien connues.  Proéminent parmi ces fonctions était le rôle de philosophe et d’enseignant de la morale philosophique.  Par exemple, voici les paroles de Strabon, historien romain :

Les bardes composaient et chantaient des odes, les Uatis (Ovates) assuraient les sacrifices et étudiaient la nature; alors que les Druides étudiaient la nature et la philosophie morale.  Si grande est la confiance qu’a le peuple vis-à-vis de la justice des Druides qu’il en réfère à eux toutes les disputes privées comme publiques, et ces hommes, dans bien des occasions, ont rétabli la paix entre des armées déjà rangées pour la bataille.  (Strabo, Geographica, IV.4.198)

D’après cette citation, il ressort clairement que les Druides étaient les philosophes de leur peuple, et qu’ils portaient un intérêt profond à l’étude et à l’enseignement des vertus éthiques.  De même, Jules César rapportait ce qui suit dans son récit de la guerre des Gaules :

Les Druides officient lors de la vénération des dieux, règlent les sacrifices tant publics que privés, et se prononcent sur toutes les questions religieuses. Les jeunes hommes viennent à eux en grands nombres pour être éduqués, et ils sont tenus en grande honneur par le peuple.  Ils officient en tant que juges dans pratiquement toutes les disputes, que ce soit entre tribus ou entre individus ; lorsqu’un crime quelconque est commis, ou un meurtre a lieu, ou une dispute développe concernant un héritage ou une limite, ce sont eux qui statuent sur l’affaire et fixent la compensation à payer ou à recevoir par les partis concernés (Jules César, La Conquête de la Gaule VI.13.1)

Il est donc clair que les Druides officiaient en tant que magistrats ou juges, à résoudre des conflits de toutes sortes parmi leur peuple.  Ainsi, le Druides de l’Antiquité ne se contenaient pas d’étudier l’éthique de façon spéculative, mais aussi mettaient leurs études en pratique.  Voici une remarque du commentateur Diogène Laërce, qui a décrit une partie du contenu réel des enseignements moraux des Druides :

Les Druides formulent leurs déclarations à l’aide d’énigmes et d’expressions obscures, enseignant que les dieux doivent être vénérés, et aucun mal commis, et un comportement masculin digne maintenu (Diogène Laërce, Vitae, I.5)

Par les termes “énigmes et expressions obscures”, on peut penser que cela signifiait que les Druides enseignaient leurs idées à l’aide d’un vocabulaire standard de proverbes, de symboles, de métaphores et tutti quanti, qu’ils auraient appris durant leur formation, et qui auraient pu paraître obscurs (i.e., opaques) pour des personnes de l’extérieur comme Diogène.  La triade citée ensuite par Diogène suggère que les Druides appréciaient la piété, l’absence de malfaisance, et l’honneur parmi leurs enseignements éthiques.  En outre, ces sources classiques attestent d’une croyance druidique en l’âme immortelle.  Pomponius Mela a écrit ceci concernant les croyances des Druides celtes :

Un des leurs dogmes est devenu universellement connu, à savoir, que les âmes sont éternelles et qu’il existe une autre vie dans les régions infernales, et que ceci a été permis manifestement parce qu’il rend la multitude plus prête à la guerre.  Et c’est pour cette raison qu’ils brûlent ou enterrent, avec leurs morts, des objets qui leur sont appropriés dans la vie.  (Pomponius Mela, Factorum et dictorum libri, II.6.10)

Cette croyance à l’âme immortelle a également été observée par Jules César : “Une leçon qu’ils se donnent particulièrement du mal pour inculquer est que l’âme ne périt point, mais passe après la mort d’un corps à un autre…” (César, Conquête de la Gaule, V.16.5).  Toutefois, il n’y a pas d’indication qui vienne à l’appuis de l’idée que les gens étaient punis ou récompensés dans l’au-delà en fonction de la façon dont ils se sont comportés durant leur vie mortelle.  Au contraire, les auteurs classiques faisaient des comparaisons favorables par rapport à la croyance de Pythagore au “Métempsychose,” une forme de réincarnation.  Il semblerait aussi, basé sur d’autres écrits de l’époque classique, que les Celtes croyaient que la prochaine vie ressemblerait sensiblement à celle-ci.  En effet, Pomponius Mela a remarqué que “autrefois ils avaient coutume de remettre la clôture des affaires et le remboursement de dettes jusqu’à leur arrivée dans un autre monde !” (Mela, ibid.)

Certains des textes de sagesse irlandais sont très spécifiques quant aux enseignements des Druides.  Il existe plusieurs “textes de sagesse,” ou récits d’enseignements éthiques des Druides.  Parfois ces enseignements étaient livrés lors de la cérémonie d’intronisation d’un nouveau chef, afin d’apprendre au candidat comment bien s’acquitter de ses fonctions.  Parfois les enseignements étaient destinés aux propres enfants ou petits enfants de l’enseignent, afin de leur apprendre comment devenir des adultes mûrs.  En voici un exemple de ce dernier : Cormac mac Airt est interrogé par son petit-fils Carbre, “Quelles étaient tes habitudes quand tu était garçon ?”  Cormac répond ce qui suit :

J’étais un auditeur dans les bois,
J’étais un contemplateur des étoiles,
J’étais aveugle s’agissant des secrets
J’étais silencieux dans une terre sauvage,
J’étais loquace en grande compagnie
J’étais doux dans le hall à hydromel
J’étais sévère en bataille,
J’étais prêt à monter la garde,
J’étais doux en amitié,
J’étais médecin auprès des malades,
J’étais faible auprès de ceux sans force
J’étais fort envers les puissants,
Je n’étais jamais dur pour éviter d’être satirisé,
Je n’étais jamais faible pour éviter d’avoir mes cheveux rasés,
Je n’étais pas intime pour éviter d’être un fardeau
Je n’étais pas arrogant bien que sage,
Je n’étais pas porté sur les promesses bien que fort,
Je n’étais pas audacieux, bien que rapide,
Je ne me moquais pas des vieux, bien que jeune,
Je n’étais pas vantard bien que bon lutteur,
Je ne parlais de personne en son absence,
Je ne reprochais pas, mais louais,
Je ne demandais pas, mais donnais,
Car c’est grâce à ces habitudes que les jeunes deviennent des guerriers vieux et royaux  (Instructions de Cormac, § 7)

À noter qu’il y a ici une certaine insistance sur le respect et l’amabilité vis-à-vis d’autrui, et pourtant il n’y a aucune indication qu’une personne devrait être passivement obéissant à autrui.  Il n’y a aucune suggestion non plus qu’il devrait sacrifier sa dignité pour l’intérêt d’autrui.  De surcroît, il se peut qu’il y ait un mysticisme implicite dans ce texte, puisque les deux premiers vers suggèrent que Cormac, garçon, se contentait d’étudier les bois et les étoiles, et était “silencieux en terre sauvage”, comme s’il voulait apprendre des éléments mêmes comment vivre au mieux.  En voici un autre exemple, tiré également des Instructions de Cormac.  Cairbre demande à son grand-père Cormac comment il devrait se comporter “parmi les sages et les sots, parmi les amis et les inconnus, parmi les vieux et les jeunes, parmi les innocents et malfaisants” – ou, autrement dit, comment il devrait se comporter quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve.  Cormac lui répond de la sorte :

Ne sois pas trop savant, ne soit pas trop sot,
ne sois pas trop prétentieux, ne soit pas trop réticent,
ne sois pas trio hautain, ne soit pas trop humble,
ne sois pas trop loquace, ne soit pas trop silencieux,

ne sois pas trop dur, ne soit pas trop faible.
Si tu es trop savant, on s’attendra (à trop) de ta part
Si tu es trop sot, on te trompera,
Si tu es trop hautain, on te prendra pour contrariant,
Si tu est trop humble, tu sera sans honneur,
Si tu es trop loquace, on ne fera pas attention à ce que tu dis,
Si tu es trop silencieux, tu ne sera pas respecté,
Si tu es trop dur, tu sera brisé,
Si tu es trop faible, tu sera écrasé (Instructions de Cormac, § 29)

Notez encore une fois que quelque-chose qui ressemble à un chemin ‘d’équilibre’ qui est conseillé ici.  On invite Cairbre à agir de telle sorte qu’il ne soit ni trop dur ni trop mou avec chacune des qualités de son caractère.

Il faut noter que les anciens druides vivaient dans une société tribale guerrière, et certaines de leurs valeurs éthiques n’ont le plus de sens qu’au sein d’une telle société. Mais dans le meilleur esprit philosophique de leurs prédécesseurs, les druides contemporains font leur propre étude de l’éthique et des valeurs sociales. Ils s’appuient sur des sources anciennes telles que les textes grecs, romains et irlandais mentionnés ici, ainsi que sur diverses sources plus récentes, et bien sûr sur leurs propres intuitions intellectuelles et émotionnelles.

Apprenez-en davantage sur le Druidisme et sur la façon de rejoindre l’Ordre

Autrefois, seuls ceux qui pouvaient apprendre personnellement d’un druide pratiquaient le Druidisme. Mais aujourd’hui, vous avez la possibilité de prendre un cours basé sur l’expérience quel que soit l’endroit où vous vivez, ce qui vous fait automatiquement adhérer à l’Ordre des Bardes, Ovates et Druides ; vous vivrez ainsi l’aventure que des milliers de personnes partout dans le monde ont déjà entrepris. Le cours présente les idées et les pratiques du Druidisme d’une façon résolument pratique, tout en étant profondément spirituelle.

L’Ordre des Bardes Ovates et Druides plonge ses racines dans la renaissance du Druidisme des 18° et 19° siècles.  Ses fondateurs étaient fortement influencés par le Néoplatonisme, le Franc-maçonnerie, le Christianisme libérale, etc.  Des sources classiques ayant trait au Druidisme et à la culture celtique anciens devenaient disponibles.  Ceci dit, les fondateurs du Druidisme britannique cherchaient à trouver, tout comme créer, une littérature spirituelle britannique indigène.  En même temps, quelques études sérieuses des monuments néolithiques de la Grande-Bretagne se faisaient publier par des savants éminents, dont beaucoup attribuaient la conception et la construction aux Druides.  Dès 1689, l’antiquaire John Aubrey a publié sa thèse selon laquelle les Druides étaient les architectes de Stonehenge et d’Avebury, et il a spéculé que les Druides avaient dû être dotés de connaissances mystiques considérables.  Certains des auteurs de cette époque étaient désireux de dépeindre les Druides comme des proto-Chrétiens.  Sur la base de remarques faites par des auteurs classiques concernant les enseignements druidiques, les Druides du début de cette renaissance en sont venus à croire que les doctrines morales druidiques de l’antiquité étaient essentiellement les mêmes que celles du Christianisme.  Par exemple, Godfrey Higgins, en l’an 1929, a traduit le mot Tara, le nom de l’ancien chef lieu d’Irlande, comme le “Torah des Hebreux” (cité dans Matthews, ed. The Druid Source Book, p. 167.  Au fait, le mot Tara signifie vraiment “vue étendue” ou “spectacle”).  La renaissance du druidisme en Grande Bretagne a aussi été très imbriquée dans bien des valeurs publiques.  Il attirait des réformateurs sociaux, des activistes en faveurs de diverses causes, des organisateurs ouvriers, des socialistes et une ribambelle d’autres gens merveilleuses et étranges.

Les Druides actuels possèdent, bien sûr, des informations historiques, linguistiques et archéologiques de meilleure qualité sur les Druides, et sur les monuments néolithiques de la Grande Bretagne et de l’Irlande. Mais ils ont hérité, de cette première renaissance plusieurs idées spirituelles importantes, dont particulièrement l’unité et l’unicité du monde, l’immortalité de l’âme, la présence de “l’Awen” (l’inspiration magique ou divine), l’expérience du divin dans les arbres et dans la topographie et dans la nature en général, et la bonté intrinsèque de la nature humaine.

Enfin, plusieurs druides des 20ème et 21ème siècles ont écrit très largement sur le Druidisme et sur l’éthique.  Dans son chapitre sur l’Éthique et les valeurs, Philip Carr-Gomm a remarqué que “la plupart des Druides possèdent un sens fort développé du comportement éthique, qui est généralement implicite dans leurs actions, plutôt qu’exprimé explicitement ;” (What do Druids Believe, p. 60).  Sur la base de ses nombreuses années d’observation, il a identifié quatre concepts éthiques druidiques spécifiques : la responsabilité, la communauté, la confiance, et l’intégrité.  Cette dernière valeur, l’Intégrité, a été héritée à la fois de la culture celtique de l’âge héroïque et des la Renaissance britannique de Druidisme.  Il se reconnaît rapidement comme étant une des plus importantes de toutes les valeurs druidiques.

En 2008, deux livres compréhensifs sur l’éthique et les valeurs vues d’une perspective druidique, dont tous deux abordaient l’Intégrité, parmi d’autres valeurs.  L’un d’eux est Living with Honour par Emma Restall Orr, directrice de The Druid Network.  Dans son texte, l’Honneur, reliée à l’intégrité, est explorée d’abord à travers son association avec le statut social et la réputation dans une société tribale.  Dans son analyse le plus détaillée, elle entend l’Honneur comme ce qui émerge des relations humaines, écologiques et spirituelles.  Pour la citer :

Puisque le Paganisme se base sur une vénération de la nature, sa pratique religieuse est totalement vouée à chacune de nos interactions. Les païens ne s’efforcent pas de saisir une déité surnaturelle, un dieu qui existe fors de la nature…  Le point focal de leurs vies est cette planète, son environnement, ces écologies et tribus.  Notre manière d’envisager et de traiter l’autre – que cet autre soit un être humain, un chat, un scarabée, un arbre ou un ruisseau – constitue la base de la théologie païenne.  C’est dans cette élaboration d’une relation, en tant qu’action spirituelle, que je pose le mot honneur, afin d’en trouver son essence. (Living with Honour, p. 128.)

Par la suite, Orr discute de l’Honneur comme étant la somme de trois vertus spécifiques: le courage, la générosité et la loyauté. Chacune de celles-ci sont, à son avis, imbriquées dans diverses relations sacrées avec d’autres personnes, avec son propre tribu, et avec la Terre dans sa totalité. La plupart du restant de son texte est consacrée à un examen de comment ces valeurs peuvent s’appliquer à des problèmes pratiques, tels que sujets médicaux, la protection de l’environnement, la richesse et la pauvreté, l’importance de l’empathie, et tout particulièrement l’importance des relations entre humains.

Un autre traitement significatif de la longueur d’un livre portant sur l’éthique druidique est The Other Side of Virtue par Dr. Brendan Myers, maître de conférence en philosophie canadien et un des érudits du Mt Haemus de l’Ordre. Son livre présent une étude très complète de la mythologie des peuples celtes, ainsi que nordiques et scandinaves, germains, grecs et d’autres peuples du monde antique. À travers cette étude de la mythologie et de l’histoire, il a discerné la conception du monde des sociétés “héroïques” de l’âge du Fer et des sociétés “classiques” de niveau étatique. Selon sa conception, l’étique et les vertus ont émergé en tant que réponses à des problèmes universels tels que le caractère éphémère, le sort, le destin, les conflits sociaux et politiques, et la mort. Il poursuit en menant un examen philosophique en profondeur des résultats de cette étude. À son avis, l’éthique n’est pas une question d’obéir aux règles ni de se conformer aux lois. Au contraire, il déclare qu’il s’agit dans l’éthique de devenir le genre de personne à partir de qui la bonté et la vertu coulent naturellement de source. L’individu druidique recherche une vie bonne et utile, et développe dans son caractère les qualités et les vertus nécessaires à une telle vie. En cherchant à atteindre ce principe, Myers a développé un système philosophique original qu’il désigne “La Théorie de l’Immensité”. L’argument possède une structure tripartite, comme le décrit Myers :

1.Premièrement et surtout, la vie implique des rencontres inévitables avec des événements qui semblent, d’emblée au moins, s’imposer à vous. Parmi eux on compte la fortune, la nature, d’autres personnes, et même la mort.

2.Deuxièmement, ces événements nous invitent aussi à réagir. La réponse implique généralement le développement de divers potentiels et ressources humains.  Certains de ceux-ci sont sociaux, tels que les liens familiaux et d’amitié de la personne, alors que d’autres sont personnels et internes, comme le courage et l’intégrité.

3.Et troisièmement, que si nous répondons à ces événements imposants avec excellence, et si la réponse excellente devient habitude, ils peuvent être transformés en sources de signification et de satisfaction spirituelles.  Cette transformation ouvre la voie vers une vie utile et florissante.  (Myers, The Other Side of Virtue, p. 7)

Cet article a examiné les concepts moraux et éthiques du Druidisme de la manière la plus simple et la plus préliminaire. Parmi les Druides d’aujourd’hui, il n’existe pas de doctrine formelle qui soit universellement acceptée.

Ainsi qu’a remarqué Philip Carr-Gomm, “la plupart des Druides sont désireux d’éviter les problèmes soulevés par le fait de dicter une moralité aux autres (Carr-Gomm, What do Druids Believe? p. 59). Toutefois, il existe un consensus qui gagne du terrain que des valeurs druidiques émergent du dialogue que nous entretenons les uns avec les autres, avec la nature, avec la Divinité, et avec le flux de l’Awen dans nos vies. Il existe aussi un accord qui gagne du terrain selon lequel les valeurs éthiques du Druidisme sont des valeurs de caractère, et non pas des règles, des dogmes, ni des calculs utilitaires. Chaque contributeur majeur, depuis l’Antiquité jusqu’aujourd’hui, a produit son propre “catalogue de vertus”. En voici quelques-unes, telles qu’elles sont abordées par trois auteurs druidiques éminents.

Les Relations

Au sein de chaque groupe que j’ai rassemblé pour discuter de l’éthique païenne, après que les principales sources ont été détricotées, la réponse émerge clairement. Il s’agit d’une relation tout ce qu’il y a de simple. Les Païens retrouvent et façonnent leur éthique au fil de l’expérience des relations. (Emma Restall Orr, Living with Honour)

La Responsabilité

Le Druide tendra à apercevoir bien des problèmes du monde comme issus d’un refus de prendre la responsabilité et d’agir pour le plus grand bien du tout. En évitant de prendre responsabilité pour la dégradation de l’environnement, par exemple, ils voient les politiciens et les entreprises qui agissent simplement pour obtenir des gains à court terme de pouvoir et de profit… Le Druidisme encourage la prise de responsabilité personnelle – tout d’abord dans nos propres vies, puis de concert avec d’autres pour notre communauté, et pour des problèmes plus vastes qui portent sur la communauté de toute vie. (Philip Carr-Gomm, What do Druids Believe?)

La Connaissance de Soi

L’appel de Se Connaitre Soi-Même n’autorise aucune déception de soi. Il exige une reconnaissance à la fois du feu du divin en nous, et aussi de la terre de l moralité sur nous. (Myers, The Other Side of Virtue)

La Confiance

C’est une expérience répandue parmi des personnes qui ont conscience de la dimension spirituelle de trouver que quand elles trouvent que lorsqu’elles font confiance à la vie, elles le trouvent aussi plus facile de s’insérer dans un “courant” qui transporte leur vie avec une qualité de légèreté, de joie, et d’aisance qui les maintient aussi alignés avec leur but spirituel. Il arrive parfois, bien sûr, que la confiance en cède à son opposé – la méfiance et la peur –mais en croyant que la vie est fondamentalement bonne, que l’existence a un sens et un but, celui en quête spirituelle le trouve de plus en plus facile d’en revenir à un état de confiance. Plus nous parvenons à faire confiance à la vie, et plus nous pouvons encourager ce flux. (Carr-Gomm, What do Druids Believe?)

L’Intégrité

Bien que le terme intégrité s’emploi souvent pour signifier “la qualité de posséder et d’adhérer résolument à des principes moraux et aux standards professionnels élevés”, son sens plus profond est défini dans le dictionnaire comme “l’état d’être complet et sans division. L’état d’être sain et sans dommages.”… Employé dans ce sens plus profond, l’intégrité devient une valeur ou une qualité recherchée par des Druides, tout comme elle l’est par tous les chercheurs spirituels. Le voyage spirituel commence pour nous lorsque nous avons le sentiment qu’il nous manque quelque-chose. Nous nous sentons incomplet, et de ce fait nous aspirons à atteindre la Déité, l’illumination, et la plénitude. Plus loin sur le chemin, nous d »couvrons que ces réalités existent en nous et que n’est que notre esprit qui croit que nous en somme séparés. Lentement, à force de méditation et de pratique spirituelle, nous nous ouvrons à une conscience de notre complétude, de notre intégralité. Nous trouvons l’intégrité. Et partant de cette position d’intégrité, nous nous pouvons agir avec authenticité, sans plus essayer d’être quelqu’un d’autre que nous sommes tout simplement. (Carr-Gomm, What do Druids Believe? Pp. 63-4)

Le Courage

Dans l’ancienne devinette “Qui est plus courageux— celui qui ressent la peur et pourtant agit, ou celui ne ressent aucune peur ?”, la réponse est celui qui ressent la peur et pourtant agit. Une personne qui n’a pas peur quand il est sur le point d’entreprendre quelque-chose de dangereux peut être quelqu’un qui ne comprend pas tout à fait ce qu’il est sur le point de faire, ni les risques que cela implique pour lui-même ou pour autrui, ni la probabilité de succès. Une personne courageuse cherche à apporter un bénéfice à d’autres, tout comme à la société dans laquelle elle vit, et peut-être aussi aux générations futures. Et le courage à terme finit par bénéficier à son possesseur, et non seulement parce que la personne courageuse a moins peur. C’est une affirmation du potentiel du monde à l’égard de la bonté et de la beauté, ainsi que d’une volonté active de prendre part au monde. Être prêt à accepter le danger, la souffrance, la difficulté, voire la mort en s’évertuant à changer le monde est d’être le plus pleinement courageux, et le plus sincèrement aimant. Ces qualités sont, il me semble, auto-valorisantes ; une vie florissante et qui vaut la peine ne peut s’en passer. (Myers, The Other Side of Virtue)

Le Souci de l’Environnement

Lorsque je déclare que l’éthique païenne se fonde sur les relations, c’est avec cette perception de la conscience et de l’énergie e la nature comme l’essence qui à la fois sous-tend et relie toute vie.  Tout comme la pluie se relie de façon intrinsèque avec le ruisseau et avec la mer, aussi chaque être humain est-il relié à la boue et au blé, à l’eau qu’il boit, aux morts et aux enfants encore à naître.  Et à travers chaque saut de vent au sein duquel disparaît mon souffle, j’inhale le souffle respiré par chaque renard, chaque chevreuil et chaque souris dans la forêt, un air qui s’est déplacé à travers les feuilles des arbres, qui se déverse dans le silence du crépuscule dans le chant du roitelet et l’appel de la buse portée par les courants thermiques au-dessus de nous tous.  (Emma Restall Orr, Living with Honour)

La Générosité

Et si nous cherchons à trouver en nous-mêmes la bonne volonté de donner généreusement, nous pouvons viser le besoin de la responsabilité personnelle pour nous guider : en faisant partie intégrante d la nature, nous devons maintenir une responsabilité personnelle vis-à-vis de chacune de nos actions et de nos non-actions, en comprenant l’impact que porte notre vie sur l’humanité comme sur l’environnement dans laquelle nous vivons.  Après tout, nous sommes dans une certaine mesure responsable de l’honneur de notre race, de notre espèce, de notre nation : pour le visage que montre notre tribu.  (Emma Restall Orr, Living with Honour)

Amitié

Ce sont nos amis qui donnent une valeur et un sens à notre vie, et que les choses que nous accomplissons ensemble avec nos amis comptent parmi notre source de bonheur la plus importante.  Dans une société héroïque, en revanche, les relations sociales d’un individu sont de prime importance : elles contribuent à constituer son identité même.  L’amitié est bien plus qu’un expédient de survie, bien qu’elle accorde d’importants avantages de survie.  Dans des périodes d’accident ou de calamité, on aura besoin d’amis pour être aidé ou secouru.  On gagne le droit de faire appel à cette aide en étant présent pour autrui lorsqu’ils en ont besoin.  C’est donc dans l’intérêt de chacun de montrer du respect et d’être coopératif.  Mais l’esprit d’amitié héroïque possède aussi une valeur intrinsèque : il s’agit de l’amitié de ceux qui retrouvent les uns dans les autres un deuxième soi-même.  (Myers, The Other Side of Virtue)

Honneur

Vitre dans l’honneur est de faire face à chacun de ces liens, aussi sensible à la relation qu’il nous est possible de l’être, nous engageant avec courage dans l’honnêteté, avec générosité et responsabilité, avec respect issu de la loyauté.  Ce faisant parce que nous avons choisi de la faire, l’ayant mis en cause, et au cas échéant, exploré, et trouvé une voie d’intégrité, à travers chaque action nous représentons notre tribu – de famille, de communauté, d’humanité – et ainsi l’identité morale de cette tribu.  Ce faire sans honte ni ignorance permet le développement d’une fierté profonde et vitale qui vient de savoir que nous avons bien partagé, en vérité et en liberté.  (Emma Restall Orr, Living with Honour)

La Vie qui en vaut la Peine

La vie de chacun est inévitablement imbriquée dans la vie des autres, avec le monde naturel, les accidents fortuits et la nature = éphémère de l’existence.  Toutes ces choses interviennent irrévocablement dans l’histoire de vie de chacun.  Un individu vif réagit à toutes ces choses d’une manière affirmative de la vie.  Et dans cette réponse, il se peut qu’il ou elle retrouve en soi une révélation de connaissance de soi, de détermination et de bonheur…  La vie qui en vaut la peine est une vie active.  Elle se caractérise par le sentiment que le monde s’offre à vous comme un endroit où vos objectifs peuvent se réaliser.  Ou, peut-être, le monde peut se présenter comme un endroit qui possède ses propres objectifs qui se réalisent en vous.  Car c’est comme ça que nous le ressentons.  Une bonne dialogue avec l’Immensité a tendance à éliciter la sensation d’être vivant, d’être entier, d’être plus pleinement nous-mêmes.  De fait, le bonheur lui-même est le sentiment que la vie est belle et bonne.  (Myers, The Other Side of Virtue)

En fin de compte, des valeurs et des principes tels qu’ils sont explicités ici, avec d’autres qui sont en relation avec elles ou qui en découlent sont susceptibles de former la base à partir de laquelle des décisions éthiques et morales peuvent se faire.  Plutôt que d’internaliser un code moral développé il y a des siècles peut-être par l’élite religieuse ou politique ou régissante, nous pouvons développer un sens individuel fort de la moralité et de l’éthique né de notre propre rapport avec ces valeurs.  Blaise Pascal a résumé de façon succincte, dans la triade qui suit, les ingrédients dont nous avons besoin pour développer cette moralité, quand il déclara tout simplement : “Cœur, instinct, principes.”

En tant que tradition spirituelle basée sur la vénération envers et sur la relation avec les puissances de la nature, le Druidisme nous enseigne par-dessus tout d’honorer la vie…  L’éthique druidique se fonde sur le rejet de l’ignorance et la création respectueuse de relations profondes et sacrées.  La mort du Dogme est la naissance de la moralité.

Emma Restall Orr, Druidry and Ethical Choice

L’auteur classique Strabon a écrit que les Druides étudiaient la “philosophie morale”.  L’auteur Brendan Myers en conclut que le premier principe moral des Druides de l’Antiquité était un dévouement envers la vérité.  Dans le Testament de Morann, document qu’on fait remonter à la période comprise entre les 7° et 9° siècles, mais qui semble issu de la période druidique pré-chrétienne, sont livré des conseils quant à la manière dont un prince doit régner ;

Qu’il magnifie la Vérité, celle-ci le magnifiera
Qu’il renforce la Vérité, celle-ci le renforcera.
…À travers la Vérité du souverain, des mortalités massives sont détournées des hommes.
… À travers la Vérité du souverain, la terre entière porte ses fruits et les naissances sont louables.
À travers la Vérité du souverain, le blé grandit en abondance.

On rapporte que St. Patrick aurait demandé à Oisin, fils de Fionn MacCumhall, ce qui soutenait son peuple avant l’avenu du Christianisme, auquel il répliquait : “la vérité qui était dans nos cœurs, et la force dans nos bras, et l’honneur dans nos langues.”  Myers conclut : “Il est intéressant qu’il ait cité la vérité en premier, comme si la vérité occupait une place prépondérante dans la culture.  Cette évidence me porte à croire que le principe moral premier du Druidisme est ceci : dans une situation où une décision morale doit être prise, nous devons toujours choisir la vérité, dans l’extension et l’enrichissement des connaissances humaines, dans nous-mêmes et chez les autres, et à tous les niveaux de notre être.

En dernière analyse, cependant, Myers suggère qu’il se peut que les Druides n’aient pas adhéré à des règles spécifiques et à des autorités pour déterminer une conduite éthiques convenable.  À la place, il les visualise en train de s’évertuer à devenir une certaine sorte de personne de qui un comportement éthique ressort tout naturellement.

Athelia Nihtscada aussi a recours à la matière source irlandaise afin d’explorer l’éthique druidique.  Les anciennes lois de Bréhon, qui furent mises par écrit au 5° siècle CE par des clercs chrétiens, remontent dans le temps au-delà du Christianisme et livrent une perception fascinante quant à la société irlandaise ancienne.  En étudiant ces lois et essayant de voir comment elles pourraient être applicables à notre vie actuelle, Nihtscada a formulé onze principes ou codes de conduite pour le druide d’aujourd’hui :

1.Chaque action donne lieu à une conséquence, laquelle doit être observée, et il vous faut être prêt à compenser pour vos actions au cas échéant.

2.Toute vie est sacrée, et tous ont la responsabilité de faire en sorte que ce standard soit respecté.

3.Vous vivez toujours au sein d’une société et êtes sujet au règles de celle-ci.

4.Travaillez en maintenant des standards rigoureux.

5.Gagnez votre vie honnêtement.

6.Soyez un bon hôte ainsi qu’un bon invité.

7.Prenez bon soin de vous-même. (La bonne santé était fort prisée parmi les Celtes, à tel point qu’une personne pouvait se voir imposer une amende si elle était très obèse par négligence.)

8.Servez votre communauté.

9.Maintenez un équilibre sain entre le spirituel et le mondain.
(Nihtscad écrit : ‘Les Druides éthiques et qui se respectaient ne faisaient rien sans être convenabelement formés ou conscients des conséquences au préalable. Ils savaient quel moment était approprié pour se rendre dans l’Autre Monde et de s’immerger dans le spirituel, tout comme celui où il convenait d’être pleinement dans ce monde.’)

10.Défendez la Vérité, en commençant par vous-même.

11.Soyez certain dans vos convictions, surtout lorsque vous jugez ou accusez quelqu’un, mais aussi dans un débat. Posez-vous la question : êtes-vous vraiment certain ? Savez-vous vraiment que tel est le cas ?

Mis à part les travaux de Myers et de Nihtscad, peu de choses ont été écrits au sujet de l’éthique dans le Druidisme contemporain puisque la plupart des Druides tiennent fortement à éviter les problèmes susceptibles de surgir lorsqu’on dicte une moralité à autrui. Tant de souffrances ont résulté au cours de l’histoire parce qu’un groupe de personnes a décidé de faire une chose et mauvaise de faire autre-chose.  Et tout autant, la plupart des druides ont évité de dicter le genre de théologie que quelqu’un devrait adopter, et aussi ont évité de se dire les uns aux autres, ou au monde, comment on doit se comporter.

Ceci dit, la plupart des Druides possèdent un sens fort développé du comportement éthique, lequel est généralement implicite dans leurs actions plutôt qu’être exprimé explicitement par eux.  Une personne ne peut agir de façon éthique que si elles sont attachées à certaines valeurs, et en discutant de ces valeurs, nous pouvons éviter le piège de suggérer des principes éthiques qui alors peuvent si aisément se muer en dogme qui condamne ceux qui ne s’y conforment pas.  Au lieu d’imposer aux gens un code de conduite, nous pouvons en revenir à la suggestion de Myers de mettre en pratique un Druidisme qui nous aide à devenir un certain type de personne de qui un comportement éthique découle tout naturellement.

Le Druidisme demande de nous, par-dessus tout, de nous ouvrir à l’inspiration et à la beauté de la Nature et de l’Art, de par son amour de la créativité.  En puisant une nourriture du contact avec le monde naturel et avec l’art dans toutes ses formes, en en nous en tenant aux croyances fondamentales du druidisme, les qualités suivantes émergent tout naturellement en tant que valeurs susceptibles de constituer la base de décisions et d’un comportement éthiques.

Spiral triskelion (formed from mathematical Archimedean spirals), occasionally used as a Christian Trinitarian symbol

Prendre la responsabilité et se sentir autorisé

Il est facile de se considérer une victime dans la vie – un minuscule rouage dans une machine, vaste et impersonnel mu par d’autres à des fins économiques et politiques.  Mais en se cramponnant à la croyance que tout est relié, qu’une réalité autre existe par-delà du monde physique de tous les jours, et que tout ce que nous pensons, ressentons ou faisons produit un effet, le Druide réussit à adopter une attitude de responsabilité, et à se sentir à même d’être de valeur dans la monde.  Comme nous tous, ils se sentiront parfois la victime d’autrui ou des circonstances.  Quoi que ce sentiment puisse aller et venir, le sentiment qui prédomine sera que chacun de nous est un être causal qui existe au sein d’une toile de vie qui unit toutes les créatures vivantes.  Ceci signifie que chacun de nous peut choisir d’agir en tant que force pour le bien dans le monde.

Le Druide aura tendance de considérer une grande part des problèmes du monde comme issus d’un refus de prendre la responsabilité et d’agir pour le plus grand bien de tout.  En évitant de prendre responsabilité pour la dégradation de l’environnement, par exemple, ils considèrent que les politiciens et les corporations n’agissent pas pour le plus grand bien, mais simplement pour des gains et des profits à court terme. De nombreux systèmes politiques et une majorité des corporations n’encouragent pas la prise de responsabilité personnelle ni la valeur de l’autonomisation personnelle.  Au contraire, il leur faut de la consommation et de la conformité.  Le Druidisme, lui, encourage la prise de responsabilité personnelle – d’abord dans nos propres vies, puis de concert avec d’autres pour notre communauté, et pour les problèmes plus élargis qui pèsent sur la communauté de toute vie.

Accepter la responsabilité pour nos propres pensées, sentiments et actions conduit à agir auprès d’autrui de façon responsable, et le monde a besoin, maintenant plus que jamais, de personnes responsables.

Le cercle de tous les êtres

L’urbanisation accrue, des populations croissantes, la commercialisation de la culture, le développement du consumérisme et de la globalisation, tous ont eu tendance à miner notre sentiment de vivre en communauté – auprès des êtres humains nos congénères, auprès des animaux et de la terre.  Bien des gens se sentent attirés au Druidisme parce qu’il les remet au contact avec le “cercle de tous les Êtres”.  De par son attitude de révérence vis-à-vis de la Nature, par sa foi vis-à-vis du caractère sacré des toutes les créatures, et par sa croyance vis-à-vis de la relation holistique entre toutes choses, le Druidisme encourage la valeur de communauté – de relation avec autrui.

Il y aura des moments où nous aurons besoin de solitude, et comme toutes les voies de spiritualité, le Druidisme reconnaît le besoin que nous avons de retraites, quand nous relâchons nos préoccupations avec autrui et nous focalisons, au contraire, sur notre quête personnel à nous ou sur la Déité.  Mais le Druidisme n’est pas un chemin qui prône un détachement permanent vis-à-vis des autres ou du monde.  Au contraire, il encourage un engagement proactif et enthousiaste, rempli d’Awen, par rapport aux autres et au monde, considérant la vie sur terre comme rempli de sens et d’objectifs – comme une aventure à aborder plutôt qu’une prison dont nous devrions nous échapper, ou un pont que nous devrions franchir tout simplement.

Il y aura des périodes où le Druide se sentira seul, isolé, voire aliéné des autres.  Alors que ce sentiment peur aller et venir, tenir ferme à la valeur de la communauté leur permettra d’en revenir vers un socle de sentiment et de foi dans lequel ils font partie d’une famille unie – la toile de la vie, le cercle de tous les êtres.

La puissance de la confiance

En arriver à valoriser la communauté et à être en relation avec le cercle de tous les Êtres ressort de la simple observation de la Nature, et la manière dont toutes les choses sont interconnectées.

D’une manière similaire, contempler le courant d’une rivière nous ramène à la valeur de la confiance.  C’est une expérience répandue parmi ceux qui sont conscients de la dimension spirituelle de se rendre compte que lorsqu’ils font confiance à la vie ils trouvent qu’ils s’intègrent plus aisément à un “flux” qui emporte leur vie avec une qualité de légèreté, de joie et d’absence d’effort qui maintient aussi leur alignement avec leur but spirituel.  Il arrive, bien sur, que la confiance cèdera à son opposé – la méfiance, la crainte – mais en si l’on croit que la vie est fondamentalement bonne, que l’existence est dotée de sens et d’un but, celui en quête de la spiritualité le trouve de plus en plus aisé de réintégrer une position de confiance.

En affirmant la valeur de la confiance, et en revenant sans cesse à cette position, quels que soient les revers qui puissent se présenter, notre vie – les décisions que nous prenons, les relations que nous  formons – commence à se construire sur la confiance plutôt que sur la crainte : sur l’obligation de se conformer, de maintenir un statut, ou de nous protéger, par exemple.

La compréhension magique du Druidisme selon laquelle notre état influe sur le monde qui nous entoure nous fait comprendre que, au fur et à mesure que nous nous relions à la valeur de la confiance à la vie, cette confiance commencera à rayonner, et, à son tour, nous attirera la confiance d’autrui, mettant en place un cycle bénéfique.

Spiral triskelion (formed from mathematical Archimedean spirals), occasionally used as a Christian Trinitarian symbol

L'intégrité

Quoique le terme “intégrité” s’emploie souvent pour signifier “la qualité de posséder et d’adhérer sans faille à des principes moraux et à des standards professionnels élevés”, son sens plus profond est défini dans le dictionnaire comme “l’état d’être complet et sans division.  L’État d’être sain ou sans dommages”  Avant qu’une mission ne soit lancée vers l’espace, par exemple, l’intégrité du vaisseau spatial est vérifiée à de très nombreuses reprises.

Utilisé dans ce sens plus profond, l’intégrité devient une valeur ou une qualité recherchée par les Druides, tout comme elle recherchée par tout chercheur spirituel.  Le voyage spirituel commence pour nous lorsque nous avons l’impression qu’il nous manque quelque-chose.  Nous nous sentons incomplets, et aussi commençons-nous aspirer à nous rapprocher de la divinité, de l’illumination, de l’intégrité.  Plus loin sur le chemin nous découvrons que ces réalités existent en nous-mêmes, et que ce n’est que notre esprit qui croit que nous en sommes séparés.  Peu à peu, moyennant la méditation et la pratique spirituelle, nous nous ouvrons à une prise de conscience de notre complétude, notre plénitude.  Nous trouvons l’intégrité.  Et de ce lieu d’intégrité il nous devient possible d’agir avec authenticité – ne plus essayer d’être quelqu’un d’autre que ce que nous sommes tout simplement.

Encore une fois, comme avec toutes ces qualités, il y aura des moments où nous perdons notre sens d’intégrité, quand nous nous sentons désespérément incomplets ou divisés, et quand nous agissons, non pas honnêtement et selon nos sentiments les plus profonds, mais de manière non-authentique, mus par la peur ou l’incompréhension. Mais une des avantages de poursuivre une voie spirituelle réside dans le fait qu’elle nous rappelle gentiment sans cesse à l’ordre, en nous offrant des disciplines particulières qui nous assistent à en revenir sans cesse à une contemplation de ces valeurs fondamentales.

La Valeur du contraire

Il est important de comprendre, cependant, que le positionnement holistique du Druidisme ne nie pas la valeur ni le but d’éprouver l’absence ou l’opposé d’une quelconque de ces valeurs. La profondeur de notre humanité provient justement de ce que nous éprouvons les contrastes de la vie : sans l’expérience de la tristesse, nous ne serions pas capables d’apprécier le bonheur ; la maturité de caractère et de l’âme semblent nécessiter une certaine mesure de souffrance, et il nous faut éprouver le sentiment et les effets de l’irresponsabilité, de l’aliénation, de désautonomisation, de peur et d’absence d’intégrité pour pouvoir devenir des êtres humains complets.

En fin de compte, des valeurs et des principes tels que ceux cités ici, de même que d’autres qui leur sont connexes ou s’écoulent d’eux – tels que l’honneur, le courage et le respect – peuvent constituer la base à partir de laquelle des décisions éthiques et morales peuvent être prises.  Plutôt que d’assimiler un code moral développé il y a peut-être des siècles par une élite religieuse ou politique, nous pouvons développer un fort sens individuel de moralité et d’éthique né de notre propre rapport interne vis-à-vis de ces valeurs.  Blaise Pascal a résumé succinctement, dans la triade qui suit, les ingrédients qu’il nous faut pour développer cette moralité, lorsqu’il déclara tout simplement “Cœur, instinct,principes.”

 

Être utiles aux autres et au monde

Le Druidisme ne nous encourage pas de nous focaliser exclusivement sur notre propre développement.  Les Druides se préoccupent passionnément de l’état du monde – de la souffrance d’humains et d’animaux, et de notre Mère la Terre.  La croyance entretenue par de nombreux Druides quant à l’importance de la Paix influence les actions profondément, et une majorité de Druides sont impliqués dans la protection de l’environnement. Certains se contentent simplement de contribuer à Greenpeace ou  aux WWF ; d’autres peuvent s’investir plus activement à tenter de protéger des espèces ou des habitats.  Une majorité apportera leur appui à des projets de plantation des arbres et de reforestation.

Au cours des derniers quinze ans, des douzaines de bois sacrés ont été plantés de par le monde.  Un exemple d’une initiative pour soutenir une espèce animal est visible à monarchbear.org

La maxime “penser global, agir local” a été prise à cœur par de nombreux Druides, qui s’impliquent dans des initiatives de communautés locales dans le but de protéger et d’améliorer l’environnement, et le Order of Bards Ovates & Druids promue un Campaign for Ecological Responsibility (campagne pour la responsabilité écologique).

Même quand les Druides font un travail sur eux-mêmes, ils croient qu’ils aident directement ceux qu iles entourent.  Au fur et à mesure qu’ils développent leur humanité – leur sagesse et compassion –et qu’ils cultivent des qualités d’âme et de caractère, leur relation vis-à-vis du monde se modifie : ils espèrent devenir des forces de bien dans un monde qui a souvent besoin d’être guéri.

Extraits de What do Druids Believe? par Philip Carr-Gomm, Granta 2006

 

Traduction Jody Mohammadioun