Le Frêne est un arbre de grand intérêt en mythologie ; c’est aussi une personnalité importante de l’Ordre des Bardes, Ovates et druides, car Ross Nichols, son fondateur, prit le nom de Nuinn, le Frêne.
Le Frêne
« La mâchoire de la barre du tisseur appliquée à l’arbre : c’est un signe de paix. Une vérification de la paix avec lui est celle du frêne de la barre du tisserand ». Word Ogams de Morann Mac Main, The Scolars Primer, Calder (1917)
Des origines celtiques
On a toujours donné au Frêne une importance et un caractère mystiques ; il a fréquemment été associé à la guérison et à la magie. Dans la littérature celtique, il est souvent fait référence au Frêne, en particulier dans son association au Dieu-Magicien gallois Gwyddion qui possède un bâton ou une une baguette de ce bois, symbole général de guérison, mais surtout de transformation et de mise en place de la destinée. Comme tel, dans les Mabinogion, la magie de Gwyddion consiste à tromper Arianrhod afin qu’elle donne des armes au jeune Llew, ce qu’elle avait juré de ne jamais faire en plaçant sur lui un Geis (une malédiction conditionnelle ou sur le destin). Gwyddion a utilisé ses pouvoirs de magie et de transformation pour créer une flotte fantôme de navires, ce qui incite Arianrhod à donner ses armes à Llew, puis à supprimer le Geis posé sur sa destinée. On dit ensuite dans le mythe que Llew se repose sous la forme d’un aigle dans un frêne.
Le Frêne était souvent utilisé pour les manches de fer de lance ou pour les poignées des armes. Par conséquent, on peut aussi considérer que le Frêne permettait le « contrôle des pouvoirs de la paix » comme expliqué plus haut dans le Word Ogams de Morann Mac Main. Dans ce sens, l’application de la force au destin peut apporter la paix par la résolution d’un conflit – que l’on devrait voir comme guérisseur. Le mot anglais Ash (Frêne) pourrait dériver du mot anglo-saxon Asec qui désigne une lance rituelle. Le nom Nuin ou Nin, signifie littéralement « lettres » dans les langues celtiques.
Symbolisme
On ne peut parler du Frêne sans faire référence au symbolisme qui lui est associé en tant qu’Arbre Monde qui s’étire verticalement entre les mondes depuis les eaux d’Annwn (le monde d’en Bas), Abred (ce monde), Gwenved (le monde d’en Haut) et jusqu’en Ceugant. De cette manière, il symbolise l’Axe Cosmique de l’univers, une colonne centrale ou un passage traversant les nombreux niveaux des différents domaines et réalités. On pourrait ainsi le voir comme la colonne vertébrale de l’univers, ou la colonne centrale de l’arbre de vie, dont les nombreuses branches mènent vers les royaumes du monde d’en haut et les nombreuses racines vers les mondes inférieurs. Symboliquement, il est intéressant de considérer notre propre incarnation comme une des feuilles de cet arbre – la feuille qui tombe et retourne aux racines pour nourrir l’arbre : les cycles de mort et de renaissance.
Ce symbolisme pourrait provenir du fait que les frênes sont très grands, ils atteignent généralement la taille de quarante-cinq mètres de haut, et que leur structure racinaire est bien développée ; c’est un arbre qui prend beaucoup d’espace. Il est l’un des derniers arbres de l’année à avoir des feuilles. Tous ces facteurs peuvent avoir stimulé l’imagination de nos ancêtres européens qui l’ont associé à l’Axe Cosmique.
Dans le dictionnaire des Symboles, Chetwin donne l’explication de l’Arbre Cosmique :
Arbre Cosmique : cette idée peut avoir précédé celle d’un Homme Cosmique. Il est en relation avec le mât qui soutient le toit du monde, sur lequel le ciel étoilé est magnifiquement brodé. Il est apparenté à l’axe du monde et symbolise l’Union.
Mythologie Norroise
Dans la mythologie norroise, le Frêne est connu sous le nom d’Yggdrasil et il est associé au Dieu Odin qui ressemble beaucoup au Celte Gwydion. Afin d’obtenir les Runes du Futhark, on dit qu’Odin s’est lui-même pendu à Yggdrasil et qu’il a reçu les Runes dans sa transe. Ainsi, le fait de s’harmoniser avec l’Arbre Monde de cette façon peut faire bénéficier des dons des bénédictions et de l’inspiration. On dit aussi que l’Arbre Monde a trois racines : une racine d’air, une racine d’eau et une racine en Hel (l’Autre Monde). Pour les fans du Seigneur des Anneaux, le Magicien Gandalf est réputé avoir un bâton en bois de Frêne.
Dans son « Book of Druidry », Nuin mentionne l’association du Frêne et d’Yggdrasil, page 38 :
« Le frêne, avec sa forme très étendue, en particulier comme arbre Ombrelle, joua un rôle dans la partie nord de l’Europe de façon assez similaire à celui que le pipal (Figuier des Pagodes) joua en Inde : il était la Grande Mère, sans doute l’Arbre Monde Cosmique Yggdrasil.
La Mère du Monde
Le Frêne était considéré comme la contre-partie féminine de l’arbre Père Universel, le Chêne : les concepts de Père Universel et de Mère du Monde qui englobe tout trouvèrent dans ces deux arbres, le chêne et le frêne, leur meilleure incarnation. De nombreuses personnes continuent de penser qu’ils sont riches de symbole et de sens.
Des baguettes de Frêne ont été découvertes sur des sites archéologiques druidiques au Pays de Galles ; elles étaient gravées de spirales, ce qui atteste des pouvoirs du Frêne et suggère qu’il était vénéré et employé par les Druides.
Le Frêne est donc associé aux enchantements positifs et à l’application de la volonté sur le destin, ce qui, souvent, représente un processus de guérison, l’individu entrant en contact avec la vérité de sa propre identité et de sa blessure chamanique.
Le Calendrier des Ogams
En terme d’associations astrologiques en corrélation avec la roue de l’année des Ogams (comme avancé par Graves dans le livre « La Déesse Blanche ») – le Calendrier des Ogams – le Frêne correspond aux énergies et à la période des Poissons et du mois de Mars. Certains attribuent L’Élément Eau l’arbre quand pour d’autres c’est l’Élément Air. Pour certains, l’arbre est associé aux forces planétaires du Soleil ou du Soleil en Sagittaire en particulier. Les Frênes bourgeonnent en Mars -Avril, ce qui peut expliquer son placement approximatif dans le Calendrier des Ogams. Le fruit du Frêne, une samare, peut être cueilli et mangé en accompagnement ou en salades. Le Frêne fleurit en Mai ; il est appelé la Vénus des Bois.
Folklore
Il existe un riche folklore associé aux pouvoirs du Frêne, de même que beaucoup de magie naturelle. Le manche du balai traditionnel des Sorcières était un bâton de Frêne sur lequel étaient fixées des branchettes de Bouleau et de Saule. De façon intéressante, on pensait que le-dit balai représentait le Hieros Gamos ou mariage sacré des énergies comme dans le Grand Rite Wiccan et qu’il était utilisé pour une forme de voyage chamanique. Il est possible que des mixtures hallucinogènes aient été étalées sur le manche, de façon à être absorbées par la peau des mains ou des poignets, au moment où le Chaman ou la Sorcière dansait avec le manche du balai entre les jambes, comme si il / elle « chevauchait » celui-ci pour aller dans l’autre monde afin d’y obtenir la perception des autres royaumes et converser avec les esprits qui y vivent, ceci étant une projection astrale ou un voyage chamanique. En effet, si le bâton de Frêne était principalement utilisé pour le manche, c’est peut-être à cause de son association avec l’Arbre Monde ou Yggdrasil, puisque d’un point de vue chamanique, on peut comprendre le voyage entre les mondes comme un déplacement sur l’Axe Cosmique vers les mondes supérieurs et inférieurs. Il est possible que certaines traditions de la Sorcellerie Celtique qui ont survécu soient les vestiges des enseignements des Druides Ovates, comme le suggère Philip Carr-Gomm dans le livre « Druidcraft ».
Dans certaines traditions, on dit que les Sorcières vivaient à l’intérieur des Frênes : chez les anciens Germains, l’Askafroa ou l’épouse du Frêne était un esprit mauvais réputé pour causer beaucoup de dommages. Pour l’apaiser on pensait qu’il fallait de lui faire une offrande sur le Frêne un Mercredi. Dans les traditions grecques helléniques, les nymphes Méliades était réputées résider dans les Frênes et il est suggéré qu’elles y étaient associées aux rites sacrés.
Dans la partie « The Initiatory Ceremonies and Priesthood » issue du texte « Druidism : The Ancient Faith of Britain », Dudley Wright (citant Forling dans « Rivers of Life ») parle du Frêne comme étant particulièrement sacré dans ces îles et participant à l’initiation païenne. Il fait état d’une croyance largement partagée dans l’ancien monde selon laquelle le fait de passer à travers des fentes de rochers ou d’arbre symbolisait la renaissance. Une pratique populaire a été rapportée dans le Suffolk en Angleterre en 1834 où un Frêne a été fendu longitudinalement pour y passer un bébé trois fois. L’arbre a été ensuite ligaturé et si ce dernier parvenait à se guérir lui-même, alors il était certain que tout irait bien aller pour l’enfant dans la vie. Cette pratique a également été constatée dans plusieurs autres pays dans le but de guérir les hernies des petits enfants ; cela se passait à minuit ou à l’aurore.
En ce qui concerne les Ogams, l’Alphabet sacré des druides, le Frêne fait partie du premier Aicme ou Série des Ogams en tant qu’arbre Maître. Il existe plusieurs dispositions des Ogams – certains attribuent le Frêne à l’ogam à cinq branches (Disposition BLF) alors que d’autres l’identifient à l’ogam à trois branches (Disposition BLN). Généralement, le Frêne apparaît de façon plus fréquente dans les textes sous la forme de l’Ogam à cinq branches, ce qui peut s’expliquer par le fait que les feuilles de Frêne apparaissent en groupes qui ressembleraient symboliquement davantage à l’Ogam à cinq branches. Dans le Dindesenchas, l’Histoire des Lieux, on dit que l’Irlande ancienne avait cinq arbres sacrés ; trois de ces arbres sacrés étaient des frênes : Daithi, Eo Munga et Tortie. Malheureusement, pendant les époques romaines et chrétiennes, ces arbres ont été abattus et sont disparus.
Utilisations magiques
En Magie Naturelle, le Frêne a de multiples utilisations : on portait des petites croix de son bois pour se protéger de la noyade en mer ; ses samares protégeaient des sorcelleries malfaisantes ; une Baguette de Frêne permettait de faire monter et de diriger les énergies de guérison et les enchantements. Les feuilles de Frênes placées sous l’oreiller avant de dormir apportaient des rêves prophétiques ; on les plaçait aussi dans un récipient avec de l’eau car elles avaient le pouvoir de chasser la maladie.
On utilisait également cet arbre pour la guérison des boiteries, des enflures et les douleurs générales du bétail que l’on croyait causées par le passage d’une musaraigne. On enfonçait donc une musaraigne dans un trou percé dans un Frêne que l’on bouchait ensuite. On disait que tout animal ou toute personne qui était brossé ou aspergé avec les feuilles de cet arbre particulier pouvait être guéri. À Richmond Park à Londres, au milieu du dix-neuvième siècle, un tel arbre renfermant une musaraigne était largement visité dans l’intention de guérir les enfants de la coqueluche ainsi que d’autres maladies.
Une autre tradition populaire disait que les Serpents ne supportaient pas d’être près d’un Frêne ou de son bois même coupé. Dans le folklore irlandais, si les ombres des Frênes se projetaient sur les récoltes , on pensait que celles-ci étaient ruinées. On a retrouvé de nombreuses souches de Frêne auprès de puits sacrés en Irlande, ce qui suggère son association avec les traditions de guérison, de vœux et de décoration des fontaines.
Au Nord de l’Angleterre, on pensait aussi que les Frênes soignaient le rachitisme et les verrues. Une tradition celtique assure que les Frênes sont originaires des mondes d’en Dessous Annwn ou du monde sous-marin Tethys.
Il y a un dicton populaire anglais bien connu qui prédit combien de pluie il va y avoir au printemps en fonction des dates de l’apparition des bourgeons du Chêne et du Frêne :
Oak before Ash we are for a splash
Ash before Oak we are for a soak.
Le Chêne avant le Frêne nous en aurons bien peu
Le Frêne avant le Chêne nous en aurons beaucoup.
Un autre poème, associe le Frêne avec la capacité d’attirer la foudre :
Avoid the Ash
It Draws the Flash.
Évite le Frêne
Il attire l’éclair.
Références
The Book of Druidry – Ross Nichols
Druid Source Book – John Matthews
Ogam – Paul Rhys Mountford
Encylopedia of Natural Magic – John Michael Greer
Magical Herbalism – Scott Cunningham Encyclopédie des plantes magiques
The Mabinogion – Jeffrey Gantz (Translator)
The White Goddess – Robert Graves Les mythes celtes : la Déesse blanche
Oxford Dictionary of English Folklore – Jacqueline Simpson & Steve Roud
The Dictionary of Symbols – Tom Chetwin
Druidcraft – The Magic of Wicca & Druidry – Philip Carr-Gomm Druidcraft – la magie de la wicca et du druidisme
The Western Mysteries – David Allen Hulse