Le sureau

Le Sureau est un arbre petit mais généreux, couvert de fleurs parfumées comestibles en été et de baies pourpres et juteuses en automne ; les gens des campagnes les ont transformées pendant des siècles en confitures, gelées, sirops médicinaux et vin. Ses branches creuses se sont révélées utiles pour fabriquer toutes sortes de tuyaux et de soufflets ; en fait, son nom anglais « Elder » » trouve sans doute son origine dans le mot Anglo-saxon eller qui signifie « allume feu »[1]. En Irlande, le sureau était un arbre sacré, et il était interdit d’en casser même une brindille.

[1]En Français, le mot Sureau proviendrait du vieux Français seu, puis seür qui signifierait « acide ». Le nom latin est Sambucus nigra dont l’étymologie n’est pas connue.

Symbolisme

Il semble que, comme le saule, cet arbre ait de fortes connotations féminines. Au Danemark, les paysans n’auraient pas abattu un sureau de peur de Hyldemor, la Mère-Sureau, qui résidait dans son tronc. On trouve aussi cette croyance dans l’Est de l’Angleterre. Dans le Lincolnshire, jusqu’il y a peu, il était important de demander la permission à la « Vieille Fille ». La bonne façon d’approcher l’arbre était de dire : « Vieille Femme, donne-moi un peu de ton bois et je te donnerai un peu du mien quand je deviendrai un arbre ». Si la procédure n’était pas respectée, on pouvait encourir une grande malchance. Au début de ce siècle, un écrivain rendit visite à la mère d’un bébé malade qui lui expliqua :

C’était à cause de la tête de mule de mon maître. Voilà ce qui s’est passé : la bascule s’est détachée du berceau et il a eu la mauvaise idée d’en fabriquer une nouvelle avec du bois de sureau mais sans demander la permission aux feuilles de la Vieille Dame qui, bien sûr, n’a pas aimé ça ; elle est alors venue pincer le bébé, à tel point que son visage en était presque noir ; mais je l’ai cassée et j’en ai remis une en frêne et maintenant le bébé va bien de nouveau.

Folklore

Il est triste de voir que, depuis l’époque chrétienne, on craint Mère-Sureau, qui a sans doute été autrefois une puissante figure féminine vénérée pour les propriétés guérisseuses de son arbre, comme si elle était une sorcière. En Irlande, on croyait que les sorcières utilisaient des  branches de sureau comme des chevaux magiques, alors qu’en Angleterre, on disait que l’arbre aux branches tortueuses était une vieille sorcière courbée qui saignait quand on la coupait.

Un conte populaire du Somerset au sujet d’une sorcière sureau mérite d’être raconté ici. Il explique qu’un fermier découvrit un jour que ses vaches avaient été traites par une sorcière déguisée en sureau. Le fermier chargea son fusil avec une balle en argent pour la tuer mais il la manqua et la sorcière le pourchassa jusqu’à sa chaumière. Il se précipita alors par la porte d’entrée et sa femme avait bien tiré le verrou de fer mais le fermier se prit le bas du manteau dans la porte et se débattit pathétiquement là pendant que la sorcière rôdait à l’extérieur ! Heureusement, la vieille grand-mère sauva la situation. Elle prit : une pelle de charbon ardents et elle dit à sa fille : « Ouvre la porte de derrière toute grande ! Celle-ci s’exécuta et revint en courant vers sa mère, mais la Grand-mère ne bougea pas et quand la sorcière-sureau s’approcha d’elle en bondissant et en criant, celle-ci se leva et lui jeta tous les charbons ardents à la figure, puis elle rentra et ferma la porte derrière elle. C’est alors qu’ils virent tous des flammes bleues vaciller et entendirent l’arbre se réduire en cendres.

Au bout d’un moment, la Grand-mère prit la canne à vaches en frêne et sortit ; elle vit un tas de cendres déjà froid. Les deux femmes dessinèrent un quadrillage sur les cendres avec le bâton en frêne, puis elles coururent ouvrir la porte d’entrée de nouveau pour libérer le manteau du fermier qui put ainsi aller voir ses vaches.

Une sorcière-sureau figure dans la légende des célèbres Rollright Stones dans l’Oxfordshire. Un roi et son armée parcourait le pays quand une sorcière s’approcha et le défia :

Sept longues enjambées tu feras
Si tu peux arriver jusqu’à Long Compton
Tu seras roi d’Angleterre.

Aujourd’hui, le village de Long Compton est juste caché derrière un monticule bas appelé « le tertre de l’archidruide ». Après que le roi eut fait ses sept enjambées, la sorcière cria :

Long Compton,tu ne l’as pas vu
Roi d’Angleterre tu ne seras plus.
Lève-toi bâton et lève-toi pierre,
Car tu ne seras pas Roi d’Angleterre
Toi et tes hommes : des pierres givrées serez
Et moi en vieux sureau transformée.

Le roi devint la pierre solitaire appelée la Pierre du Roi, alors que ses hommes, blottis les uns contre les autres devinrent les « chevaliers qui murmurent », un groupe de cinq pierres à l’est. Le cercle de pierre lui-même est appelé « les Hommes du Roi ».

La réputation du sureau empira avec une légende chrétienne qui affirmait que le crucifix avait été fait de son bois et que Judas s’était pendu à un sureau. Un vieux chant de Noël appelé « les Douze Apôtres » raconte l’histoire et, dans le dernier vers, dénonce le sureau, qui se tient à l’écart des autres arbres (tout groupe d’arbres était appelé familièrement les « Douze Apôtres »).

Les douze apôtres étaient là
Les racines dans la rivière, et les feuilles dans le ciel,
les bêtes prospèrent toutes où qu’elles soient.
Mais Judas était pendu à un sureau

Et, en Écosse, là où le sureau est appelé « arbre-chambre des morts », un vieux poème fait remarquer que la petite stature de l’arbre et ses branches tordues sont la punition pour son rôle dans la mort de Jésus :

Arbre où résident les morts aux branches assassines,
Jamais droit et jamais fort,
Pour toujours buisson et jamais arbre,
Depuis que notre Seigneur y fut cloué

L’arbre tant décrié devint ensuite synonyme du Diable lui-même. De nombreuses personnes refusaient de faire brûler des bûches de sureau de peur de « faire entrer le Diable dans la maison ». Aubrey raconte une histoire amusante à ce sujet : un « bon vieux monsieur » appelé Mr. Allen, avait la réputation d’être un sorcier. Ce monsieur avait acquis une montre à une époque où de tels instruments étaient rares. Quand un couple de domestiques entrèrent dans sa chambre et entendirent la montre faire tic-tac dans son étui, ils pensèrent que ça devait être son familier ou même le Diable lui-même. Ils la prirent par la chaîne et la jetèrent par la fenêtre dans les douves, dans l’espoir de le noyer. Mais, par chance, la chaîne s’accrocha à un sureau qui poussait sur la rive, ce qui confirma leur opinion que c’était réellement un instrument du Diable ! Heureusement, cela permit à Mr. Allen de récupérer sa montre.

Spiral triskelion (formed from mathematical Archimedean spirals), occasionally used as a Christian Trinitarian symbol

Associations Magiques

Dans d’autres régions des Îles Britanniques, on avait moins peur du sureau et on en a également conservé les associations magiques. Si vous baignez vos yeux dans le jus vert de son bois, vous pourriez voir les fées et les sorcières. Si vous restez sous un sureau à Samhain en Écosse, vous pouvez voir ses hôtes féeriques qui le chevauchent. Les baies de sureau cueillies la veille du Solstice d’Été confèrent des pouvoirs magiques. Dans l’Île de Man, les sureaux sont les principales résidences des elfes.

Toujours dans l’Île de Man, un sureau devant la porte de la maison éloignait les sorcières, selon un conte populaire manxois appelé : « La Vieille Nance et le Buggane ». Dans d’autres lieux également, il était considéré comme un arbre bienveillant et protecteur. Un manuscrit du 17e siècle donne une recette pour fabriquer une amulette de protection en cueillant des rameaux de sureau en Octobre, juste avant la pleine lune. Le bois entre les nœuds doit être coupé en neuf morceaux, qui sont enfilés comme des perles sur un fil de lin et porté autour du cou de façon à ce qu’ils soient au niveau du cœur. Il faut le porter jusqu’à ce que le fil casse ; l’amulette doit alors être enterrée dans un endroit où elle ne pourra pas être trouvée.

Dans certaines parties de l’Écosse, il n’est devancé que par le sorbier dans sa capacité à conjurer les mauvais sorts et la sorcellerie. On faisait des croix avec des branchettes de sureau qu’on accrochait au-dessus des étables et des granges pour protéger le bétail. Les conducteurs de corbillards portaient des manches de fouet en bois de sureau pour se protéger des influences néfastes.

Propriétés Médicinales

Le sureau a été prescrit depuis la nuit des temps pour guérir les maladies depuis la cécité à l’épilepsie. Les feuilles cueillies la Veille de Mai ont le pouvoir de guérir les blessures, et on peut enlever les verrues en les frottant sur un bâton vert de sureau que l’on brûlait[1] ensuite : au fur et à mesure qu’il pourrissait, la verrue disparaissait. Au Danemark, un remède pour soigner un mal de dent consistait à placer une brindille de sureau dans la bouche puis à la coller dans un mur en disant : « Va-t’en, esprit malin ! ». L’herboriste John Evelyn déclarait :

Si toutes les propriétés médicinales des feuilles, de l’écorce, des baies, etc. étaient parfaitement connues, il n’y a pas grand mal auquel notre compatriote pourrait ne pas trouver de remède dans une haie de sureau, que ce soit pour une maladie ou une blessure.

En Irlande, il était un des arbres magiques portés en procession à Beltaine. Si vous célébrez ce joyeux mois, que Mère-Sureau prenne une fois de plus sa place dans le bouquet d’été comme cet ancien chant de Beltaine le déclare :

Houx et Noisetier
Sureau et Sorbier
et Frêne lumineux
Au bord du gué

[1]Je suppose qu’il y a une erreur dans le texte et que le mot aurait du être burrying : l’enterrer au lieu de le bruler.

Traduction Okada