Folklore
Il est triste de voir que, depuis lâĂ©poque chrĂ©tienne, on craint MĂšre-Sureau, qui a sans doute Ă©tĂ© autrefois une puissante figure fĂ©minine vĂ©nĂ©rĂ©e pour les propriĂ©tĂ©s guĂ©risseuses de son arbre, comme si elle Ă©tait une sorciĂšre. En Irlande, on croyait que les sorciĂšres utilisaient des branches de sureau comme des chevaux magiques, alors quâen Angleterre, on disait que lâarbre aux branches tortueuses Ă©tait une vieille sorciĂšre courbĂ©e qui saignait quand on la coupait.
Un conte populaire du Somerset au sujet dâune sorciĂšre sureau mĂ©rite dâĂȘtre racontĂ© ici. Il explique quâun fermier dĂ©couvrit un jour que ses vaches avaient Ă©tĂ© traites par une sorciĂšre dĂ©guisĂ©e en sureau. Le fermier chargea son fusil avec une balle en argent pour la tuer mais il la manqua et la sorciĂšre le pourchassa jusquâĂ sa chaumiĂšre. Il se prĂ©cipita alors par la porte dâentrĂ©e et sa femme avait bien tirĂ© le verrou de fer mais le fermier se prit le bas du manteau dans la porte et se dĂ©battit pathĂ©tiquement lĂ pendant que la sorciĂšre rĂŽdait Ă lâextĂ©rieur ! Heureusement, la vieille grand-mĂšre sauva la situation. Elle prit : une pelle de charbon ardents et elle dit Ă sa fille : « Ouvre la porte de derriĂšre toute grande ! Celle-ci sâexĂ©cuta et revint en courant vers sa mĂšre, mais la Grand-mĂšre ne bougea pas et quand la sorciĂšre-sureau sâapprocha dâelle en bondissant et en criant, celle-ci se leva et lui jeta tous les charbons ardents Ă la figure, puis elle rentra et ferma la porte derriĂšre elle. Câest alors quâils virent tous des flammes bleues vaciller et entendirent lâarbre se rĂ©duire en cendres.
Au bout dâun moment, la Grand-mĂšre prit la canne Ă vaches en frĂȘne et sortit ; elle vit un tas de cendres dĂ©jĂ froid. Les deux femmes dessinĂšrent un quadrillage sur les cendres avec le bĂąton en frĂȘne, puis elles coururent ouvrir la porte dâentrĂ©e de nouveau pour libĂ©rer le manteau du fermier qui put ainsi aller voir ses vaches.
Une sorciĂšre-sureau figure dans la lĂ©gende des cĂ©lĂšbres Rollright Stones dans lâOxfordshire. Un roi et son armĂ©e parcourait le pays quand une sorciĂšre sâapprocha et le dĂ©fia :
Sept longues enjambées tu feras
Si tu peux arriver jusquâĂ Long Compton
Tu seras roi dâAngleterre.
Aujourdâhui, le village de Long Compton est juste cachĂ© derriĂšre un monticule bas appelĂ© « le tertre de lâarchidruide ». AprĂšs que le roi eut fait ses sept enjambĂ©es, la sorciĂšre cria :
Long Compton,tu ne lâas pas vu
Roi dâAngleterre tu ne seras plus.
LĂšve-toi bĂąton et lĂšve-toi pierre,
Car tu ne seras pas Roi dâAngleterre
Toi et tes hommes : des pierres givrées serez
Et moi en vieux sureau transformée.
Le roi devint la pierre solitaire appelĂ©e la Pierre du Roi, alors que ses hommes, blottis les uns contre les autres devinrent les « chevaliers qui murmurent », un groupe de cinq pierres Ă lâest. Le cercle de pierre lui-mĂȘme est appelĂ© « les Hommes du Roi ».
La rĂ©putation du sureau empira avec une lĂ©gende chrĂ©tienne qui affirmait que le crucifix avait Ă©tĂ© fait de son bois et que Judas sâĂ©tait pendu Ă un sureau. Un vieux chant de NoĂ«l appelĂ© « les Douze ApĂŽtres » raconte lâhistoire et, dans le dernier vers, dĂ©nonce le sureau, qui se tient Ă lâĂ©cart des autres arbres (tout groupe dâarbres Ă©tait appelĂ© familiĂšrement les « Douze ApĂŽtres »).
Les douze apĂŽtres Ă©taient lĂ
Les racines dans la riviĂšre, et les feuilles dans le ciel,
les bĂȘtes prospĂšrent toutes oĂč quâelles soient.
Mais Judas Ă©tait pendu Ă un sureau
Et, en Ăcosse, lĂ oĂč le sureau est appelĂ© « arbre-chambre des morts », un vieux poĂšme fait remarquer que la petite stature de lâarbre et ses branches tordues sont la punition pour son rĂŽle dans la mort de JĂ©sus :
Arbre oĂč rĂ©sident les morts aux branches assassines,
Jamais droit et jamais fort,
Pour toujours buisson et jamais arbre,
Depuis que notre Seigneur y fut cloué
Lâarbre tant dĂ©criĂ© devint ensuite synonyme du Diable lui-mĂȘme. De nombreuses personnes refusaient de faire brĂ»ler des bĂ»ches de sureau de peur de « faire entrer le Diable dans la maison ». Aubrey raconte une histoire amusante Ă ce sujet : un « bon vieux monsieur » appelĂ© Mr. Allen, avait la rĂ©putation dâĂȘtre un sorcier. Ce monsieur avait acquis une montre Ă une Ă©poque oĂč de tels instruments Ă©taient rares. Quand un couple de domestiques entrĂšrent dans sa chambre et entendirent la montre faire tic-tac dans son Ă©tui, ils pensĂšrent que ça devait ĂȘtre son familier ou mĂȘme le Diable lui-mĂȘme. Ils la prirent par la chaĂźne et la jetĂšrent par la fenĂȘtre dans les douves, dans lâespoir de le noyer. Mais, par chance, la chaĂźne sâaccrocha Ă un sureau qui poussait sur la rive, ce qui confirma leur opinion que câĂ©tait rĂ©ellement un instrument du Diable ! Heureusement, cela permit Ă Mr. Allen de rĂ©cupĂ©rer sa montre.