Le chaudron et la baguette : compassion et volonté dans l’application de l’éthique druidique

Dans les études druidiques, nous rencontrons souvent deux termes qui représentent des principes fondamentaux. Ce sont respectivement Kerantez et Nerz, Amour/Compassion et Force/Volonté. Avec ce bref essai, j’ai l’intention de les clarifier et de les rendre compréhensibles pour un public plus large,  plus actuels, et par conséquent, de les appliquer comme…

Le chaudron et la baguette : compassion et volonté dans l'application de l'éthique druidique

de Bran Paolo Veneziani

J’ai pris le temps de travailler car c’est le prix du succès.
J’ai pris le temps de réfléchir et de méditer car c’est là la véritable origine de la force intérieure.
J’ai pris le temps d’aimer et d’être aimé car c’est le privilège et le don des Dieux.
J’ai pris le temps de jouer car c’est le secret de la jeunesse.
J’ai pris le temps de lire car c’est le fondement de la sagesse.
J’ai pris le temps de rêver car cela permet d’accrocher mon char et ma vie à une étoile magique et lointaine.
J’ai pris le temps de me faire des amis car c’est le chemin du bonheur.
J’ai pris le temps de regarder autour de moi avec la curiosité d’un enfant car j’ai compris que les jours et la vie sont trop courts pour être égoïste.
J’ai pris le temps de rire car c’est la musique de l’âme.

Dans les études druidiques, nous rencontrons souvent deux termes qui représentent des principes fondamentaux. Ce sont respectivement Kerantez et Nerz, Amour/Compassion et Force/Volonté. Avec ce bref essai, j’ai l’intention de les clarifier et de les rendre compréhensibles pour un public plus large,  plus actuels, et par conséquent, de les appliquer comme principes dans notre vie quotidienne. Le druidisme, au fil des siècles, s’est adapté aux époques et aux circonstances qu’il a rencontrées sur son chemin. Loin d’être une tradition morte ou dépassée, il peut être utilisé et incorporé en s’appuyant sur une pratique constante, mais aussi en comprenant pleinement quels principes il a promu, et encourage encore.

Dans son célèbre « De Bello Gallico », Jules César nous donne un aperçu du rôle social couvert par les druides, mais Diodoro Siculo et Strabone ont été les seuls à diviser en trois « spécialisations » les grades et le caractère des druides de leur temps.

Si nous simplifions au maximum et gardons à l’esprit que chaque grade se croise avec l’autre, nous pouvons dire que les Bardes se sont vus confier la mémoire du clan et du peuple. C’était le pouvoir de la mémoire et des réminiscences. Les Ovates étaient des guérisseurs par excellence, ils traçaient les présages et étaient les gardiens des soins de la population. Nous retrouvons enfin les Druides. Ils étaient les gardiens de la philosophie la plus raffinée et se voyaient confier le soin des cérémonies rituelles, ils rendaient la justice selon une déontologie éprouvée et étaient, dans certains cas, plus importants que le chef d’un clan ou même d’un roi. Leur pouvoir était donc à la fois temporel et spirituel.

Après ce bref mais essentiel préambule, j’ai mentionné plus haut que l’on peut voir le druidisme comme une philosophie raffinée capable de s’adapter aux époques et aux lieux où il s’est enraciné et fleurit encore. Je souhaite m’attarder sur les principes de Justice, Compassion et Volonté, en les redécouvrant comme des valeurs exportables dans notre période historique actuelle. Évidemment, ils devraient être nécessairement « dépouillés » de certaines caractéristiques typiques d’une période historique désormais ancienne dans laquelle, par exemple, le sacrifice d’un animal ou d’un être humain était considéré comme une pratique courante, effectuée pour honorer un Dieu avant d’affronter une bataille. Ou célébrer pour favoriser une bonne récolte, suffisante pour les ravitaillements alimentaires dans les périodes les plus froides et les plus difficiles. Cette pratique et d’autres que nous considérerions aujourd’hui comme des tabous réels et appropriés étaient, à l’époque, considérées comme une pratique presque courante, et cela, je le dis en termes clairs, ne devrait pas du tout nous surprendre. Les temps changent et probablement, certaines réalités objectives considérées comme normales dans notre société actuelle seront perçues comme de la barbarie par nos descendants.

Le Chaudron et la Baguette, deux puissants symboles archétypaux de la tradition druidique, représentent au mieux les qualités et les dons intrinsèques liés à la compassion et à la force. Le Chaudron, symbole féminin par excellence, comme un utérus, reçoit, transforme, fusionne ; La Baguette, en tant que représentation masculine, en tant que phallus, focalise et dirige, nous donnant la force et la conscience, la volonté, d’atteindre nos objectifs.

L’utilisation correcte et équilibrée de ces deux éléments nous indique la direction à suivre dans notre pratique et dans notre façon d’agir en tant qu’êtres qui cherchent à se mettre au service d’un bien suprême. L’un ne pourrait pas l’emporter sur l’autre, cela provoquerait un manque d’harmonie interne qui empêcherait de s’aider soi-même et par conséquent, rendrait vaine toute tentative d’entrer en symphonie avec les besoins de l’autre.

Parlons maintenant de la compassion du point de vue le plus réel et le plus réalisable. Comment prendre et faire nôtres les qualités typiques d’un chaudron ? Nous devons en premier lieu comprendre quelles sont ces qualités et, avec un entraînement constant, essayer de les intégrer progressivement dans notre vie quotidienne.

Le Chaudron, comme nous l’avons dit plus tôt, sa nature est de recevoir; il est ouvert, est capable de transformer chaque élément à la fois interne et externe. Le Chaudron représente le féminin présent en chacun de nous, enferme en lui notre capacité à entrer en relation empathique avec les autres, décrit notre capacité à ressentir des émotions et à pouvoir les gérer, en leur confiant les dons de transmutation qui le caractérisent. La Déesse mélange les ingrédients contenus dans le chaudron, les unissant les uns aux autres, les mêlant et les faisant fondre dans une potion magique unique. Lorsque nous comprenons que nous sommes le chaudron, les ingrédients, la louche et la Déesse elle-même, alors, et alors seulement, nous pouvons nous ouvrir aux merveilles qui nous sont offertes. Il ne faut pas oublier que le chaudron représente aussi notre vulnérabilité, nos frontières, nos peurs les plus profondes. Si nous ne sommes pas capables d’ « occuper le terrain » en emportant avec nous aussi ces pans de notre être, ce sera comme avoir commandé une assiette de savoureux spaghettis à la tomate qui sera plutôt servie comme une simple assiette de pâtes à l’huile. Il lui manquerait en effet l’un des principaux ingrédients, celui qui nous aura fait commander ce plat en particulier.

Le Chaudron est principalement compassion et empathie. Pensons aux grands hommes de l’histoire, par exemple Ghandi, Lincoln, ils étaient et sont considérés à ce jour comme de grands hommes, des êtres illuminés par une sorte de vocation divine dont beaucoup pensent qu’elle peut venir d’en haut, mais pour qui, si on l’examine soigneusement, ils se sont engagés avec le pouvoir transformateur du Chaudron à l’intérieur d’eux-mêmes, démontrant au monde entier la capacité de ressentir de la compassion et de l’empathie envers tous les êtres sensibles. Ils se sont impliqués de manière désintéressée en ayant clairement dans leur conscience le but ultime. Ils ne se considéraient pas comme détachés du reste de l’humanité, mais ils travaillaient constamment pour le bien de leur pays ; leur pensée principale était la société humaine tout entière, luttant pour les droits de chacun. Quand le soleil brille, il brille sur tout le monde, sans discrimination.

Il en est ainsi pour le Chaudron. Si le feu de la compassion brûle de manière continue, répandant la chaleur sur toute la surface du chaudron, les ingrédients qu’il contient deviendront le nectar qui alimente l’empathie et l’absence de dichotomie, par conséquent, il nous rendra beaucoup plus similaires aux exemples de grande humanité que j’ai mentionnés précédemment. Le terme compassion ne doit en aucun cas être pris dans le sens qu’on a l’habitude de lui donner. Son sens le plus profond est beaucoup plus proche de l’usage de ce mot dans la religion bouddhiste, et plus précisément dans la figure du Bodhisattwa (un être illuminé qui, consciemment, décide de renoncer aux bienfaits du Nirvana, continuant à se réincarner pour être bénéfique à tous les êtres sensibles).

Attention toutefois, la compassion n’est pas passivité ou acceptation totale, au contraire, c’est une action profonde et ciblée. Un exemple peut être trouvé dans l’histoire de Keridwen et Gwion Bach. Dans sa fureur, à travers ses diverses transformations, la Déesse nous montre un exemple d’action vive et effrayante, animée par un dessein de sagesse pure et compatissante. Gwion Bach boit les trois gouttes d’une potion destinée au fils de Keridwen et cela littéralement « fait de la Déesse une bête ». Gwion s’échappe et tente de ne pas être capturé par Keridwen prend la forme de diverses formes d’animaux, mais la déesse est toujours capable de le surpasser en capacité, se transformant en antagoniste et chasseuse naturelle de la forme animale prise par Gwion lui-même. Lorsque Gwion Bach, épuisé de fatigue, se transforme en dernier recours en grain de blé et se laisse tomber sur une meule de foin, la Déesse prend la forme d’une poule noire qui mange Gwion. La Déesse à cet instant, pas du tout associée à l’eau, et comme nous l’enseigne Jung, à nos émotions inconscientes et profondes, avalant la graine qu’est Gwion Bach, le reçoit en réalité dans son ventre et là elle apprendra à l’aimer, de l’amour typique d’une mère envers son fils. Lorsque vient le moment d’accoucher, la haine initiale se transforme en compassion qui la fera décider de le libérer, bien consciente des bienfaits que Taliesin, le nom sous lequel Gwion Bach sera connu, apportera au monde entier avec son art et la sagesse acquise en buvant les trois gouttes de son Chaudron.

par Wendy Andrew : https://www.paintingdreams.co.uk/

Nous devons considérer la compassion et l’empathie comme des éléments fondateurs de notre pratique, ne pas nous limiter à les laisser s’installer à un niveau purement intellectuel, au contraire, nous devons essayer de générer ces qualités essentielles par l’expérience et la pratique réelle et vraie.

Je pense que dans la conception de la justice dont les druides étaient les gardiens, l’élément lié à la capacité de ressentir de l’empathie envers tout le monde, était un concept dominant par rapport à tout autre élément extérieur. Bien sûr, comme je l’ai mentionné ci-dessus, les temps étaient différents, la valeur de la vie humaine était considérée, pas moins importante qu’elle ne l’est maintenant, mais peut-être était-elle considérée comme quelque chose à sacrifier si cela pouvait, de quelque manière que ce soit, apporter des avantages à la communauté. Quoi qu’il en soit, désormais, dans notre société moderne et civilisée, les temps ont changé et le druidisme a changé avec eux.

La compassion et l’empathie seules ne nous mènent nulle part; pour pouvoir nous considérer comme de vrais praticiens de la voie verte , nous devons unir à ces qualités le pouvoir de la baguette , le pouvoir que nous voulons donner à notre vie et à notre pratique.

La baguette est un archétype puissant qui représente notre aspect masculin, la force de notre volonté, la capacité que nous avons de « pointer vers » une direction et de poursuivre un résultat, quel qu’il soit. Si le chaudron nous apprend l’art de s’ouvrir ainsi que la capacité de ressentir de l’empathie, la baguette, quant à elle, nous indique la direction et trace le chemin vers les buts que nous décidons de poursuivre.

Il existe de nombreux obstacles sur le chemin du praticien qui peuvent nous empêcher d’acquérir une pratique consciente et équilibrée. La paresse en fait partie. Dépassés par mille engagements quotidiens, nous avons tendance à reporter ce que nous devons faire aujourd’hui à demain. Méditer, créer une sorte de pratique quotidienne à réaliser comme une habitude acquise, consacrer du temps à comprendre et expérimenter la connexion qui nous lie à chaque aspect de la nature, sont des antidotes valables pour nous aider à combattre cette forme de paresse qui, pour sa propre nature, invalide tout effort pour atteindre n’importe quel but spirituel.

L’un des facteurs les plus insidieux est lié au peu de confiance que nous accordons à nous-mêmes, en tant qu’êtres participants à la sacralité que nous pouvons entrevoir à l’intérieur et à l’extérieur de nous-mêmes. La recherche de la transcendance est une composante que nous ne pouvons pas découvrir si nous n’avons pas compris profondément que nous sommes la même transcendance que nous recherchons à l’extérieur de nous-mêmes. Pour arriver à cette conclusion, il faut nécessairement abandonner la basse opinion et le manque de confiance qui nous envahissent parfois et qui font de nous des êtres tout à fait ordinaires dans un monde au contraire plus qu’extraordinaire. La confiance en nous est ce que j’appelle « le bon ego » et c’est une composante essentielle pour avancer sur notre chemin de chercheurs spirituels.

Le manque de volonté face à un chemin de recherche basé sur l’étude et la pratique est lui-même un facteur qui peut ralentir notre compréhension et miner l’atteinte d’une sagesse qui n’est pas le fruit d’un simple apprentissage livresque mais d’une expérience directe vécue en personne.

La baguette est un instrument directeur essentiel qui, comme je l’ai dit plus haut, peut agir comme une boussole à la fois dans le plan matériel et spirituel. Elle nous permet de canaliser nos « intentions spirituelles » et de les manifester sur le plan physique. La baguette nous offre une qualité paternelle, capable de nous indiquer le chemin, de nous suggérer le meilleur chemin à suivre. Semblable au bâton d’un berger, il nous guide à travers le paysage intérieur que tout pratiquant doit nécessairement parcourir. L’usage de la baguette nous exhorte à retrouver nos buts les plus nobles, nous conférant du même coup, une autorité imprégnée de l’esprit de service. Nous pouvons tranquillement définir notre baguette comme une sorte d’arbre de vie, capable de nous connecter avec nous-mêmes, avec nos valeurs et avec l’au-delà que nous visiterons.

Comme pour le chaudron, la baguette doit également être utilisée avec soin et attention. Une utilisation déséquilibrée de la puissance du chaudron nous conduira à être trop ouverts et vulnérables, en proie à nos propres émotions. Une utilisation imprévoyante de la baguette pourrait éveiller en nous une réponse inconsidérée de l’ego, favorisant des actions contraires à notre croissance et à notre conscience, nous empêchant de voir nos vies d’un point de vue clair.

Pour ces raisons, il est nécessaire de se concentrer sur l’éthique comme moyen d’équilibrer et d’utiliser correctement les qualités intrinsèques du chaudron et de la baguette. L’éthique et la morale – cette dernière non pas au sens d’un fardeau imposé par la société, mais plutôt comme la redécouverte des anciennes valeurs représentées, par exemple, par les diverses sagas chevaleresques – sont les bases solides sur lesquelles il est possible de construire une réalité basée sur l’honnêteté intellectuelle et la force intérieure, capable, par sa propre puissance, de déplacer la montagne.

Un comportement éthique, cela doit être clair, n’exclut pas la possibilité de s’engager dans un combat pour la défense de nos propres principes, mais nous donne la motivation et un but qui est plus conforme au Divin.

Comprendre profondément, viscéralement, que nous sommes nous-mêmes les créateurs de la réalité qui nous entoure, nous permet d’ouvrir largement notre vision au royaume des Dieux, mais pour cela, nous devons être capables de maîtriser notre ego, de transformer notre actions dans la pure éthique et l’honnêteté. Ce n’est que lorsque nous comprendrons effectivement que nous sommes immergés dans le monde, avec un but bien précis mais un temps limité pour le mettre en action, alors et seulement alors, que nous comprendrons que le temps dont nous sommes dotés doit être utilisé au mieux manière possible. Pour cela nous devons équilibrer nos qualités pour qu’elles soient vraiment mises au service des autres.

Nous sommes un réceptacle (le chaudron) et nous sommes aussi la direction que nous décidons de prendre (la baguette). En excluant l’un ou l’autre, nous nions notre responsabilité individuelle et collective envers le monde.

Bien à vous dans le Feu de Compassion qui brûle au centre de la Clairière Sacrée
Bran Paolo Veneziani /|\

Traduction Moïra

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