Les Orcades
La terre sombre dans la mer, le soleil dore noir
Les étoiles chaudes sont répandues du ciel,
Les vapeurs empestent, explosent en flamme.
Le ciel lui-même est brûlé par le feu.
Je vois la terre qui s’extrait une seconde fois
De l’écume, pâle et verte;
Depuis la lande s’envole l’aigle, chassant le poisson, les eaux s’écoulent.
-Tiré de: Edda l’Aînée. Traduction du vieux norrois à l’anglais par P. Taylor et W.H. Auden
Les Îles Orkney, autrefois connues sous le nom des Orcades, comptent parmi les sites les plus magiques de toutes les Îles du Puissant. Cet archipel aux îlots négligemment dispersés dans les eaux glacées de la Mer du Nord a été le point de rencontre de cultures successives, s’entremêlant et se superposant, au point qu’il est difficile de savoir où commence l’une et finit l’autre. Les peuples du Néolithique, de l’Âge de Bronze, les Pictes, les Celtes, les Norses et les Ecossais s’y sont retrouvés et installés, ajoutant chacun sa propre couche au riche ferment du terreau magique, archéologique et spirituel des Îles. La richesse même des sites qui méritent d’être visités rend difficile l’ébauche de cette brève description; déjà, tous ceux qui portent en leur coeur un amour des cultures qui composent la race de notre île devraient s’y rendre, au moins une fois. Ceux-là, reviennent en général, happés par la sensation de dépaysement sacré, que l’on imagine survolant les rochers des Orcades. Les visiteurs et les archéologues reconnaissent tous les deux qu’il est impossible de parcourir plus de 12 mètres dans une direction sans se cogner l’orteil sur une chambre funéraire, un tumulus, ou un cercle de pierres mégalithiques. Les raisons font partie du mystère d’Orkney, territoire que l’on considérait comme une entrée par laquelle on pouvait accéder à l’Au-delà, plutôt que comme un élément de l’Au-delà lui-même. Ainsi, les Îles devinrent une nécropole virtuelle, des lieux de funérailles sacrées où se déroulaient les cérémonies et rituels d’enterrement des morts illustres, une fois amenés du continent. Qui sait combien de grands rois et de héros Galéiques y sont enterrés, leur esprit s’élevant au dessus des îles verdoyantes et balayées par les vents?
Par-dessus tout, le mystère des Orcades est issu de cette fascination pour l’Au-delà et pour les sombres terres frontalières, où les ancêtres s’égaraient, toujours prêts à découvrir cet autre lieu. Lorsque Geoffroy de Monmouth a écrit son célèbre Histoire des Rois de Grande-Bretagne, au 12ème siècle, il nomma un des Rois des Orcades Gwanuasis Rex Orcadum, un nom qui dérive visiblement de Gwynn ap Nudd, le seigneur de l’Au-delà! Dans la partie arthurienne de ce texte, la Reine des Orcades s’appelle Anna, celle qui deviendra dans les textes suivants la Fée Morgane, demie-sœur du Roi Arthur, ainsi que son ennemie la plus acharnée. Cependant, dans un autre texte, on la retrouve sous le nom de Morcades, mot dérivant clairement des Orcades et du grec orcus, la mort. Ainsi, Morgane-Morcades est bien la Reine de l’Île des Morts, située dans le Royaume de l’Au-delà, et si l’on pense au récit des derniers jours d’Arthur, quand, blessé à Calam, il est porté par la Fée Morgane jusqu’à Avalon, l’île de l’Au-delà…on pourrait se demander si dans la longue et complexe histoire d’Arthur, il existe un témoignage qui le décrit porté jusqu’aux Orcades pour y être soigné de ses blessures…