Voyage d’Alban Elfed

Comme toutes les méditations druidiques, celle-ci commence à l’orée d’un bois…

Par Sarah Cochetel

Comme toutes les méditations druidiques, celle-ci commence à l’orée d’un bois.

La douce chaleur du jour nous a quitté pour faire place à la fraîcheur de la Nuit, Royaume de la Lune. Celle-ci apparaît, souveraine, dans le ciel au-dessus de nous. En son premier quart, elle nous rappelle que la période des Longues Nuits est aussi propice à la croissance.

Dans l’ombre de la Forêt, on sent bouger quelque chose, quelqu’un. D’abord angoissant, le mystère se dévoile en la personne d’une vieille femme, courbée, au regard doux et si bleu qu’on ne peine pas à le remarquer malgré l’obscurité.

Nous la saluons d’un mouvement de tête, elle nous le rend par un sourire quelque peu édenté. Une cane dans sa main droite, elle nous fait signe de la gauche de la suivre en s’enfonçant dans le bois profond.

Cette forêt est ancienne, les arbres sont vieux de plusieurs siècles. Ils sont courbés, abîmés, forts, puissants, bien ancrés. Chacun recèle une histoire qui nous semble si mystérieuse. Certains ont reçu les prières d’âmes perdues, d’autres les promesses d’amour de jeunes amants, d’autres encore les éclats de rires d’enfants. Certains ont vu des esprits que seul un œil affûté peu percevoir. Gardiens de l’histoire de nos Temps, ils restent sans jugement face à nos légendes.

D’une habilité étonnante, la Vieille Femme déambule entre ces Anciens, par-dessus ronces, rochers et racines comme si elle flottait en l’Air. Et voici qu’elle nous conduit au ruisseau qu’abrite le bosquet sacré.

L’eau y est douce, fraîche, agréable. Des fées ayant pris la forme d’insectes performent un balai éblouissant sous nos yeux, sans se préoccuper de notre monde. L’Eau est mélodieuse. On y entendrait presque une harpe jouer au loin.

La Vieille Femme ne parle toujours pas. Elle s’est penchée lourdement sous le poids de ses années vers le ruisseau, occultant un objet aux reflets d’argent. Elle prononce enfin pour la première fois des mots, des prières, des incantations dans une langue étrangère, ancienne, que seul la pluie et le vent comprennent encore aujourd’hui. Nous sentons que notre âme a, elle aussi, connu cette langue et chanté ses prières autrefois…

Elle se tourne doucement vers nous, dans le Silence à nouveau, et nous dévoile l’objet mystérieux : une théière en argent. Dedans, l’eau du ruisseau. Elle s’approche, nous la tend, et nous fais signe de regarder dedans. Nous n’y voyons que de l’eau. Nous la regardons, désemparés, puis elle nous fait comprendre de lui redonner une chance. Alors, on s’assoit, et on contemple cette eau douce obscure dans la théière argentée. L’Ancienne entonne un chant murmuré…

Mmmmh, mmmh, mmmhmmmhmmmh…

Notre regard plonge, et on sent notre énergie s’évanouir peu à peu, et nous nous sentons nous assoupir…

C’est alors que nous nous retrouvons, en plein soleil, au milieu d’un champ de blé défriché. Il ne reste plus qu’un épi de blé, grand, beau et fort, au milieu de ce champ. Au loin, toujours cette musique. Cette fois-ci, elle se rapproche. Nous nous tournons vers l’ouest, où le Soleil commence gentiment à descendre. Et là, vient une famille. Le père et la mère, portant fièrement la faux et la fourche. Les enfants, décorés des dernières fleurs de l’été mêlées aux premières feuilles mortes. Les anciens, un panier de champignons et de noix au bras. L’aînée des enfants joue de la lyre, et tous chantent un chant solennel. C’est la Saint Michael, nous sommes le 29 septembre d’un siècle perdu. Le Feu Fertiliseur du Printemps fait désormais place au Feu Créatif de l’Automne : Imbas Forosnai. La poésie et la musique sont à l’honneur.

D’autres villageois rejoignent de toutes parts la famille paysanne. C’est le Père de famille, suivi de son plus jeune fils, qui aura l’honneur de couper le dernier épi, avant que sa Femme ne devienne la maîtresse des mystères de l’Ombre. Elle prononce des triades, ces bribes de sagesse qui viennent par trois.

« Il est trois choses indispensables à un gentilhomme : sa harpe, son manteau et son échiquier »

Ou encore :

« Il y a trois gains à ceux qui suivent les conseils des Anciens : l’illumination, la sagesse et la clarté »

La vieille femme lui sourit. C’est elle qui lui a enseigné cette sagesse et lui a transmis la Tradition de l’Eau.

La cérémonie continue. Le dieu Lugh, aussi connu sous le nom de Mabon ou Maponius, est invoqué à maintes reprises par chacun pour sortir des mauvaises situations, et en remerciement à une récolte généreuse. La déesse Artio vénérée par les Helvètes depuis la nuit des temps est aussi invoquée. Sous sa forme d’ourse, elle se montre à ceux qui ont su travailler leur perception de l’Autre Monde. Déesse du foyer et de l’abondance, on lui demande de l’aide et sa lumière pour y voir à travers les ombres et pour combattre nos ennemis dans le monde visible ou non.

La poésie du grand Taliesin est joyeusement récitée par la foule qui connait ses vers par cœur. On raconte son histoire, ce qu’il a traversé pour devenir le plus grand poète de tous les temps. Son accident avec le chaudron de la déesse Cerridwen qui lui a donné l’illumination… ses transformations successives en lièvre, saumon, oiseau puis en grain avant d’être avalé par la déesse pour maturer neuf mois en son ventre, puis neuf mois en mer avant de se prouver dans l’Art Poétique devant tous….

Enfin, les incantations terminées, chacun prend un moment pour songer à la symbolique de l’équinoxe d’Automne… Quelles ont été les récoltes de l’année… Où se cache en nous la peur du manque… quels ont été les cadeaux qu’on n’attendait pas…

Tout le monde sait qu’il est temps de se reposer du dur labeur de l’été, de se pencher sur ses accomplissements et de prendre soin des Anciens. La récolte a été bonne. Celle de l’année d’avant a été sauvée de justesse par ces cadeaux de la Terre : les fruits, les baies, les noix, les champignons les ont préservés de la famine. Ils en sont conscients et profondément reconnaissants. Certains se penchent sur la Terre pour l’embrasser, les larmes aux yeux des souvenirs d’autres récoltes moins fructueuses qui ont coûté la vie à leurs proches… A cette époque, on sait que rien n’est jamais acquis. Que c’est par la prière, l’humilité, la reconnaissance et le travail que l’on obtient la paix.

Le père de famille, avec son plus jeune fils, hôte son chapeau, le fait tourner dans l’air trois fois, et puis abat le dernier épi sous le chant des Hommes. On en fait une poupée, déguisée tantôt en jeune fille, tantôt en vielle femme selon la récolte. Elle sera mise à l’honneur dans le foyer pour la bonne fortune.

Et voici que la chaleur du Soleil d’été a été transférée aux fruits, aux grains, aux feuilles, à notre peau, pour que nous la gardions en mémoire jusqu’à l’été prochain. Chacun sort des fruits et offrandes pour la Terre. On boit de l’Eau, que l’on remercie par la poésie qui arrose notre âme.

Les musiciens de chaque famille sortent leurs instruments pour accompagner le grand festin qui se prépare au milieu de ce champ alors que la nuit tombe gentiment. Ils nous font chanter d’abord le Goltrî, la musique des Larmes, pour remercier et saluer le Soleil couchant. Puis vient le Gyantrî, la musique des rires. Chacun danse sa joie et les farandoles s’improvisent dans le champ entre petits et grands. Enfin, le Soontrî, la musique du sommeil, apaise les cœurs qui se préparent à l’hibernation des Longues Nuits… Nous nous sentons apaisés, prêts pour un somme…

C’est alors que quelque chose nous rappelle un souvenir d’une théière argentée. Entendant le coulis de l’Eau, nous nous éveillons doucement, près d’un courant, un ruisseau, entourés de vieux sorbiers, frênes des montagnes. La Vieille Femme n’est plus là, sa théière non plus. A leur place, une ourse brune, docile, avec ces mêmes yeux doux nous regarde d’un air maternant.

Tranquillement, elle nous guide par la forêt. Elle prend son temps, l’aube est encore loin. Elle semble lumineuse, bercée dans une lumière blanche, rassurante dans ces vieux bois sombres qui pourtant nous protègent…

Après un moment, nous voici arrivés près de l’orée. Nous le savons, parce que le ciel se fait moins dense. La Grande Ourse brille de mille feux entre les cimes des arbres, de plus en plus éloignés les uns des autres. Nous voici arrivés. L’ourse est repartie. Sa lumière est là, dans sa constellation, pointant vers le Nord. Elle nous rappelle que l’obscurité n’est que perspective, et que l’on peut choisir de regarder les étoiles briller…

 

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