New Grange, Irlande
par Philip Carr Gomm
Construite par le puissant Dagda, c’était une merveille, une cour, une merveille de colline.
~ Le Livre de Ballymote ~
New Grange est le plus grand et le plus impressionnant de plusieurs dizaines de monuments préhistoriques trouvés dans la vallée de la Boyne à 32 km (20 miles) au nord-ouest de Dublin en Irlande. Célèbre pour être orientée vers le lever du soleil du solstice d’hiver, New Grange a été construit il y a 5 000 ans et fait partie d’un paysage sacré qui comprend le site voisin de Tara, siège des anciens rois d’Irlande. Ici et dans la campagne environnante, les mythes abondent. La rivière Boyne porte le nom de la déesse Boann et sa source est le puits magique de Segais. Neuf noisetiers poussent autour de ce puits, laissant tomber leurs noisettes mûres dans les eaux en contrebas pour nourrir le « saumon de la connaissance » qui nage dans ses profondeurs. Tout comme le saumon est abondant dans cette partie de la rivière, les histoires de personnages d’un autre monde et les récits de leurs amours et de leurs vies se rassemblent autour de ce lieu sacré. La déesse du fleuve Boann s’accoupla avec le dieu-père Le Dagda pour donner naissance à Aenghus Og le dieu de l’amour, qui prit possession de la maison construite par son père. A la contempler maintenant, avec ses blocs de quartz blanc qui brillent au soleil, on sent encore aujourd’hui sa présence.
« C’était mon palais. Au cours des jours passés, beaucoup de gens cueillirent ici la fleur pourpre de la magie et le fruit de l’arbre de vie… » Et alors même qu’il parlait, une lumière commença à briller et à envahir la grotte, et à effacer les murs de pierre et les hiéroglyphes antiques gravés dessus, et de fondre le sol de terre en lui-même comme un soleil ardent soudain levé dans le monde ; et il y avait partout une extase errante du son ; la lumière et le son ne faisaient qu’un ; la lumière avait une voix… « Je suis Aengus, les hommes m’appellent jeune. Je suis la lumière du soleil dans le cœur, le clair de lune dans l’esprit ; Je suis la lumière à la fin de chaque rêve… Je te rendrai immortel ; car mon palais s’ouvre sur les jardins du soleil ». Un rêve d’Angus Og, AE (George Russell) 1897
À 19 km (12 miles) au sud-ouest de Tara, ville royale des Hauts Rois d’Irlande, la rivière Boyne serpente autour de la terre pour former une cuvette d’environ 5 km (3 miles) de large et 1,61 km (1 mile) de profondeur. Cette zone est connue sous le nom de Brugh na Bóinne, « Le Palais de la Boyne », et c’est l’un des paysages sacrés et des sites archéologiques les plus impressionnants de toute l’Europe. Vingt-six tombes à couloir datant de l’âge du bronze se trouvent dans cette partie de la vallée de la Boyne, amenant certains érudits à la comparer avec le cimetière royal de Haute-Égypte et à l’appeler la « vallée des rois » de l’Irlande. Mais beaucoup pensent maintenant qu’il s’agit plus que du simple lieu de repos des ossements d’un peuple ancien qui vivait dans cette région fertile. Le plus frappant des monuments de cette vallée est New Grange – un énorme monticule artificiel construit vers 3250 av. J.-C. couvrant un demi-hectare de terrain qui a maintenant été considérablement rénové avec des blocs de quartz blanc qui flamboient au soleil. Son entrée révèle d’emblée le mystère que beaucoup de gens ressentent au cœur de ce paysage sacré.
Un Lieu de Mystère
En marchant vers le monument sur la colline, vous remarquez immédiatement comment, autour de la base du monticule, bon nombre de ses 97 grandes bordures de granit sont sculptées de motifs géométriques de spirales, de losanges, de zigzags et d’autres symboles, rappelant les motifs trouvés sur le pierres de la butte de Gavrinis en Bretagne (voir page 00). Face au mur de pierre blanche en marchant vers l’entrée, vous arrivez à la plus magnifique des bordures de pierre, avec ses sculptures tourbillonnantes d’une triple spirale, de doubles spirales, de demi-cercles concentriques et de losanges. C’est peut-être le premier indice qu’il s’agit d’un lieu de mystère – un lieu de retour au centre, de spirale au cœur de la vie. Mais regardez ensuite l’entrée elle-même et remarquez l’ouverture particulière au-dessus. C’est ce qu’on appelle le « coffre de toit » et c’est une chambre qui s’étend au-dessus du passage d’entrée apportant de la lumière au sanctuaire le plus intérieur du monticule. Et voici le deuxième indice : cette chambre est orientée vers le lever du soleil du solstice d’hiver – le moment de la nuit la plus longue de décembre lorsque le soleil renaît de son sommeil hivernal et que les jours recommencent à rallonger.
Lorsque New Grange fut découverte pour la première fois à l’ère moderne en 1699 par Charles Campbell, le coffre de toit était resté caché, mais une restauration archéologique ultérieure a commencé à révéler la grandeur de ce monument. On estime maintenant que 200 000 tonnes de granit de la baie de Dundalk, à 120 km (75 miles), ainsi que du quartz blanc apporté des montagnes de Wicklow, à 80 km (50 miles), ont été utilisés pour créer ce grand cairn, qui était entouré par un cercle de pierres dressées. A l’origine, ce cercle était probablement fait de 38 pierres. Aujourd’hui, il n’en reste que 12.
L’Initiation au Lever du Soleil
Le coffre de toit fut découvert par le professeur Michael Kelly et son équipe lors d’importants travaux de restauration effectués dans les années 1960. Ils ont déterré l’ouverture du puits pour constater qu’elle était à moitié masquée par un bloc cubique de quartz. Il y avait des égratignures sur cette pierre comme si elle avait fonctionné comme un volet qui avait souvent été glissé d’avant en arrière. Kelly se souvenait d’une tradition locale selon laquelle le soleil brillait toujours dans la tombe au milieu de l’été, mais la vérification de l’orientation du puits a montré qu’il ne faisait pas face au milieu de l’été, mais au soleil du milieu de l’hiver.
Au solstice d’hiver de 1967, Kelly rampa seul le long du passage de soixante pieds dans la chambre principale de New Grange et attendit dans l’obscurité jusqu’au lever du soleil. Il fut récompensé par une expérience qui l’amena à retourner au monticule à chaque solstice d’hiver depuis cette époque : « J’ai été littéralement stupéfait », raconte-t-il, « La lumière [du soleil] a commencé comme un crayon fin et s’est élargie à une bande d’environ 6 pouces. Il y avait tellement de lumière réfléchie par le sol que je pouvais me promener à l’intérieur sans lampe et éviter de heurter les pierres. Il faisait si clair que je pouvais voir le toit à 20 pieds au-dessus de moi. Je m’attendais à entendre une voix, ou peut-être à sentir une main froide se poser sur mon épaule, mais il y eut un silence. Et puis, après quelques minutes, le rayon de lumière s’est rétréci lorsque le soleil a semblé passer vers l’ouest à travers la fente, et l’obscurité totale est revenue.
Bientôt, les érudits commencèrent à spéculer que Kelly avait expérimenté l’un des principaux objectifs du temple, qui pourrait être considéré comme un lieu d’initiation aux mystères de la renaissance pendant la période de plus grande obscurité. L’entrée du soleil du milieu de l’hiver se produit pendant 5 jours, du 19 au 23 décembre et il est désormais possible d’inscrire votre nom à une loterie pour faire partie des dix personnes autorisées à s’asseoir dans la chambre l’une de ces cinq nuits, en attendant l’arrivée du soleil. En 2006, 27 485 noms ont été inscrits à la loterie tirée par des écoliers locaux.
Le Monticule Féerique des Ténèbres
Comme pour capter le pouvoir fertilisant et magique du soleil d’hiver, les entrées de plusieurs sites autour de New Grange sont également orientées dans sa direction. Une fois que le soleil levant du solstice quitte New Grange, il trouve son chemin dans un certain nombre de cairns satellites pendant la journée jusqu’au coucher du soleil, il entre dans le grand cairn de Dowth, connu localement sous le nom de « Fairy Mound of Darkness » (Monticule Féerique des Ténèbres -ndt).
Volontairement ou non, les Anciens ont réussi à recréer le drame de la création de la vie dans la pierre et la lumière. Avec des tonnes de matériaux transportés et érigés avec beaucoup d’efforts, ils ont construit une grotte, un utérus, de la Déesse Mère qui recevrait la semence du Dieu Soleil. C’est comme s’ils croyaient que la réponse à l’un des plus grands mystères de la vie – le mystère de la mort – pouvait être trouvée en reconstituant le processus de conception à la plus grande échelle. Peut-être en sécurité dans le sein sombre de la Terre Mère, fertilisé par le rayon lumineux du Père Soleil, les morts et les vivants pourraient être recréés, renaître.
Ce phénomène peut avoir été créé exclusivement pour les morts dans l’espoir de leur renaissance dans ce monde ou dans un autre, ou il peut aussi avoir été créé pour offrir une expérience d’initiation aux membres vivants de la tribu. Une telle expérience aurait pu être améliorée par les effets acoustiques inhabituels qui peuvent être obtenus à l’intérieur du monument, et certains auteurs ont spéculé sur la capacité des gravures géométriques sur les pierres à effectuer des changements de conscience. D’autres se sont interrogés sur l’usage rituel des mystérieuses vasques en pierre retrouvées dans les alcôves latérales. Si New Grange nous parle du pouvoir magique de l’acte sexuel pour créer la vie, la mythologie qui s’est accumulée autour du monument s’appuie sur cela et pointe son pendant émotionnel et spirituel – car New Grange est connu dans la légende comme la maison d’Aenghus Og, le dieu de l’Amour.
AUTRES CITATIONS
Ma leçon originale avec la triple spirale de Newgrange est venue en 1959 un matin froid du solstice d’hiver, à l’invitation de mon grand-père. Nous sommes entrés dans le cairn dans une relative obscurité et nous avons attendu silencieusement que quelque chose qui m’était inconnu commence. Lorsque la lumière rouge et chaude a commencé à inonder l’obscurité de son or liquide, le mouvement vers moi était captivant. J’avais été placé à un endroit spécifique situé directement en face de la triple spirale et c’est là que j’ai vu la lumière s’arrêter momentanément concentrée sur le symbole, avec toutes les marques ponctuelles qui captent la lumière la faisant clignoter et scintiller de vie similaire aux étoiles dans le ciel nocturne. J’ai su à ce moment-là que cet espace était un utérus et un lieu de naissance et de renaissance.
~ Sonja Geoghegan
Newgrange doit sûrement être plus qu’une tombe ? Il existe plusieurs façons d’enterrer un corps plus facilement que moins de 200 000 tonnes de pierres. Que les archéologues l’appellent une tombe à couloir. Je préfère l’appeler un monticule de passage. Il est permis de voir ce complexe de monticules comme le plus long et le plus grand projet d’ingénierie jamais entrepris sur cette île d’Irlande. Si vous voulez un meilleur mot pour décrire les trois grands monticules de la vallée de la Boyne, alors je suggère que le mot « cathédrales » soit le plus approprié.
~Gillies Macbain
Ventre des ténèbres,
Lueur de l’aube,
je surgis de ton étreinte.
~ Caitlin Matthews, Dévotionnel celtique
CHRONOLOGIE
3250 av. J.-C. – La nouvelle Grange est construite
1699 – L’entrée est découverte accidentellement lors de l’enlèvement de matériaux à flanc de colline pour la construction de routes par Charles Campbell
1725 – Thomas Molyneux écrit que NewGrange a été construit par les Danois entre les 8e et 9e siècles.
1890 – L’archéologue irlandais George Coffey commence à travailler sur le site
1962-1975 – Michael Kelly dirige d’importants travaux d’excavation et de reconstruction, y compris la restauration des pierres de parement en quartz – une décision controversée qui a bouleversé certains commentateurs
1967 – Michael Kelly fait l’expérience de la pénétration du soleil à l’intérieur de la chambre au solstice d’hiver
1983 – Le livre de Martin Brennan The Star and the Stones suggère que NewGrange est un temple solaire plutôt qu’un tumulus funéraire